Ces dernières années, le
vent a quelque peu tourné pour les défenseurs
de l'environnement. Plusieurs livres sont parus les
accusant d'avoir exagéré la réalité
et les risques du réchauffement de la planète,
le plus récent et le plus connu de ces ouvrages
étant The Skeptical Environmentalist,
du Danois Bjorn Lomborg. Quant au scepticisme du gouvernement
Bush face aux effets de nos gaz à effet de serre,
il est bien connu.
Et si ces sceptiques avaient raison? Si
les environnementalistes étaient les maîtres
de la fausse alerte? Pas facile de répondre à
cette question dans le langage scientifique où
une certitude absolue n'existe pas. Une équipe
disparate -deux biologistes américains, un économiste
néerlandais et un américain- a donc décidé
d'employer le langage de l'économie. Et de produire
"une analyse coût-bénéfice" des
normes employées par les sciences environnementales.
Leur conclusion: "les bénéfices
marginaux, à l'heure actuelle, l'emportent largement
sur les coûts marginaux, indiquant par là
que les normes acceptées pour mesurer les dégâts
(environnementaux) sont trop conservatrices".
En d'autres termes: oui, les environnementalistes
font parfois des prévisions pessimistes qui se
révèlent exagéréres; oui,
cela implique des coûts pour la société;
mais ils pourraient commettre encore plus d'erreurs
que cela ne serait toujours pas exagéré.
"L'indifférence face à des risques sérieux
peut se révéler désastreuse."
"La science a la responsabilité
d'informer les décideurs, et la société
a la responsabilité de trouver des façons
d'identifier les niveaux de prudence appropriés...
Nous devons (continuellement) nous protéger contre
une grande variété d'événéments
dont chacun a une faible probabilité de se produire."
Mais ce n'est pas parce que cette probabilité
est faible que nous devons nous voiler les yeux en espérant
que rien n'arrivera -en fait, dans un secteur tel que
la santé, c'est rarement ce que nous faisons.
Où se trouve l'équilibre?
Quel est le seuil de tolérance aux alarmes environnementales
qu'une société peut tolérer? Les
auteurs ne s'avancent pas beaucoup sur ce terrain, mais
soulignent deux choses: la première, les alarmes
lancées par des groupes qui font consensus, comme
le Comité intergouvernemental sur les changements
climatiques (dont le très volumineux dossier,
paru il y a près de deux ans, est le résultat
d'une décennie de travaux) ont davantage de poids
que les alarmes lancées par des scientifiques
individuels, aussi éminents soient-ils. La seconde,
même un sceptique comme Lomborg admet que le coût
humain sur l'environnement est énorme: le nombre
de décès aux États-Unis liés
à la pollution atmosphérique est de plus
de 100 000 par année, et dépasse probablement
les 3 millions à travers le monde.
Des règlements limitant l'émission
de polluants comme le Clean Air Act américain
(1970) ont contribué à réduire
la quantité des plus dangereux de ces polluants
-et de ce fait, ont contribué à réduire
le nombre de décès. L'Agence américaine
de protection de l'environnement a écrit il y
a 10 ans que "les bénéfices nets sur la
santé humaine (bénéfices moins
les coûts)" du Clean Air Act se mesuraient,
sur 20 ans, en billions de dollars: au moins 5,6 billions,
ou si vous préférez, 5600 milliards$.
L'analyse de ce quatuor écologico-économique
est parue dans la dernière édition de
la revue américaine Science, sous le titre
"Fausse alarme à propos des fausses alarmes environnementales"
(résumé
seulement, nécessite une inscription gratuite).
Soit dit en passant, au bénéfice
des sceptiques, sachez que Bjorn Lomborg a été,
depuis la parution de son ouvrage, officiellement blâmé
par le Bureau danois de la malhonnêteté
scientifique (Danish Committees on Scientific Dishonesty).
Ce qui n'empêche pas qu'il "y aura toujours un
marché solide pour populariser des livres comme
The Skeptical Environmentalist". La controverse
a toujours contribué à vendre plus de
bouquins que la prudence...