L'Indonésie,
qui n'a été que
le 4e pays, à
la mi-janvier, à signaler
des cas de grippes de poulet,
a finalement admis, le 27 janvier,
qu'elle était en réalité
frappée depuis... le
mois d'août. La Chine,
qui n'a signalé ses premiers
animaux malades que la semaine
dernière, en
avait en réalité
découvert... en avril
2003.
Depuis, des millions
de volatiles ont été
atteints, et au moins 12 personnes
sont décédées
en décembre et janvier,
dans trois pays. Depuis la première
apparition du virus H5N1, en
1996, c'est sa pire poussée
de fièvre (voir
ce texte).
La Thaïlande
dès novembre; l'Indonésie
dès août; la Chine,
dès avril. De toute évidence,
les autorités sanitaires
auraient pu s'engager beaucoup
plus tôt dans une offensive
internationale contre cette
mutation du virus de l'influenza
du poulet, s'il n'y avait pas
eu un mélange d'incompétence
et de déni de la réalité.
En Chine, pays où la
maladie a probablement fait
ses premiers pas, le virus couvre
désormais le tiers du
territoire. Autant
dire qu'il est hors de contrôle.
On reconnaît
à cette histoire des
traits communs avec la poussée
du SRAS l'an dernier: un virus
né chez les animaux et
soudain transmissible à
l'humain, en raison d'une mutation
mal connue. Un virus dont la
propagation a été
facilitée par l'extrême
cohabitation, dans certaines
villes d'Asie, entre humains
et animaux, et tout particulièrement,
dans ce cas-ci, entre humains
et volailles: la prospérité
économique de l'Asie
du Sud-Est s'est incidemment
accompagnée d'une production
intensive de volaille.
Et un autre trait
commun: la politique de déni
des autorités chinoises,
peu enclines à reconnaître
des problèmes internes
-mais cette fois, les autorités
chinoises ont été
imitées par leurs voisines.
De plus, à
tout cela, la science nous apprendra
peut-être un jour que
se sont ajoutées des
bévues majeures. Après
la première poussée
de grippe du poulet en 1996-97
à Hong Kong, les producteurs
chinois ont choisi de vacciner
leurs volatiles contre le H5N1.
Or, selon le New Scientist,
ce fut une erreur: si le vaccin
n'était pas suffisamment
efficace autrement dit,
s'il n'était pas une
copie suffisamment fidèle
du H5N1 cela a peut-être
permis au virus de continuer
à se multiplier, en coulisses.
Et pas seulement chez les poulets,
mais aussi chez les canards
et autres volatiles sauvages.
Pour cette raison,
l'Organisation mondiale de la
santé s'est prononcée
le mois dernier contre la vaccination,
d'autant que le H5N1 est un
virus que l'on connaît
encore assez mal. Cet avis a
été publié
au moment où l'Indonésie
annonçait son intention
de lancer à son tour
une campagne de vaccination
de sa volaille. L'Indonésie
est revenue sur cette décision
le 30 janvier.
C'est l'OMS qui
travaille actuellement à
confirmer hors de tout doute
que tous les échantillons
de grippe aviaire récoltés
en Corée du Sud, en Chine,
en Thaïlande, au Cambodge
et en Indonésie, appartiennent
bel et bien à la même
famille, et qu'il en est de
même pour les échantillons
recueillis l'an dernier en Chine.
Enfin, la façon
dont l'épidémie
s'est répandue tend à
suivre les routes de l'exportation,
et non pas celles des oiseaux
migrateurs...
Si on ne peut
plus contrôler la propagation
du virus chez la volaille, la
priorité reste de la
limiter chez les humains. Une
douzaine de décès,
cela reste peu. Quoiqu'il y
en a peut-être eu d'autres
qui sont décédés
de ce qu'on a diagnostiqué
comme une vilaine grippe, sans
fouiller plus loin. Le fait
que le virus semble incapable
de se transmettre d'humain à
humain le limite considérablement
dans ses excès. Mais
des rumeurs inquiétantes,
en fin de semaine, laissaient
entendre qu'il pourrait avoir
franchi cette barrière,
au Vietnam. Si le H5N1 devait
vraiment subir une telle mutation,
on ne pourrait plus rien garantir
quant à son contrôle.