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semaine du 2 août 2004



Francis Crick, le physicien de la biologie

Il fut l'exemple parfait de l'individu qui amène un regard neuf sur un vieux problème. Regard grâce auquel, il y a 50 ans, une porte s'est ouverte sur un nouveau savoir. Un savoir que, cinquante ans plus tard, on commence à peine à défricher.

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Car Francis Crick, celui qui, avec James Watson annonça en 1953 la découverte de la double hélice, cette structure si particulière sur laquelle nos gènes s'enfilent, n'était pas un biologiste. Il était physicien. Et c'est peut-être ce regard différent, un brin inattendu, qui a fait pencher la balance, entre 1951 et 1953, dans un petit laboratoire de l'Université de Cambridge.

Décédé le 28 juillet à l'âge de 88 ans, le Britannique Francis Harry Compton Crick a été cité depuis la semaine dernière, dans tous les médias du monde, comme "celui qui a contribué à déchiffrer l'ADN"; "le pionnier de l'ADN"; voire "l'un des pères de l'ADN"; mais en réalité, la biologie connaissait déjà l'ADN, ou acide désoxyribonucléique. Il avait été isolé dès 1871 et on le savait être un constituant de nos chromosomes. En 1944, le médecin-chercheur américain Oswald Avery avait conclu que c'était dans l'ADN, et non dans une protéine, que se cachait notre hérédité. Et avant 1950, le biochimiste américain Edwin Chargaff avait établi que l'ADN se décomposait en quatre types de molécules ou "bases" (A, C, T, G), attachées les unes aux autres comme les perles d'un collier.

Ce qu'on ignorait, c'était la forme que prenait ce collier. Sa structure. Pour les uns, c'était là une question anodine, pour les autres, c'était au contraire une étape essentielle pour commencer à décoder le grand livre de la vie.

Plusieurs laboratoires, dont celui dirigé par une célébrité américaine du moment, Linus Pauling, y travaillaient en cette fin des années 1940, alors que Francis Crick, diplômé de physique au Collège universitaire de Londres (1937), récemment démobilisé de l'armée où il avait travaillé, pendant la Deuxième guerre mondiale, à la conception de mines magnétiques et acoustiques, venait à peine (1947) de commencer à étudier la biologie. Rien ne le prédisposait donc à devancer une célébrité comme Pauling... sinon une série de concours de circonstances. A nouveau étudiant, à Cambridge cette fois, il se joignit en 1949, comme étudiant-chercheur, au Conseil de recherche médicale, où son sujet de doctorat (qu'il obtiendrait en 1954) tournait autour de la représentation par rayons-X des polypeptides et des protéines.

Or, parvenir à définir la structure de l'ADN avec l'aide des rayons-X, c'était justement ce sur quoi travaillaient Linus Pauling mais aussi, au Collège universitaire de Londres, une petite équipe rassemblée autour du cristallographe britannique Maurice Wilkins et d'une étudiante –une rareté, à cette époque– Rosalind Franklin. C'est elle qui, en 1951, obtient la première "photographie par diffraction de rayons-X" d'une molécule d'ADN, une photographie floue, mais qui démontre que l'ADN a indéniablement une structure régulière. Ordonnée. Restait à déterminer quelle structure.

La photographie est montrée à Naples, dans le cadre d'un congrès. Parmi les spectateurs, un étudiant américain en biologie de 23 ans, James Watson, qui décide dès lors de se consacrer à la définition de cette structure. Embauché au laboratoire de cristallographie de l'Université Cambridge à l'hiver 1951, il y rencontre Francis Crick, son aîné de 10 ans, déjà engagé sur cette voie. "Il m'a traité comme si j'étais un membre de sa famille", se rappelait cette semaine James Watson.

Il leur faudra un an et demi de tâtonnements –le retard de Crick en biologie, mais aussi leur méconnaissance à tous les deux de la chimie– pour aboutir à cette structure en double hélice. Leur article paraît dans la revue Nature en avril 1953... et ne suscite d'abord qu'un intérêt mitigé: pour beaucoup de biologistes passionnés de cette science naissante qu'est la génétique, il importe bien plus de comprendre comment l'ADN fabrique des copies d'elle-même que de savoir quelle "forme" elle a.

C'est au cours des années 50 que, progressivement, la double hélice échappe à l'anonymat des laboratoires. On se rend compte que Crick et Watson n'ont pas seulement bâti un joli modèle en trois dimensions: ils ont, en 1953 et dans l'année qui suit, décrit la façon dont l'information s'encode (les paires de base), et ils ont par conséquent pavé la voie à la possibilité de décoder cette information: ce sera le décodage du génome humain, près de 50 ans plus tard.

En 1962, Crick, Watson et Wilkins se partagent le Nobel de biologie. Entretemps, Crick a eu le temps d'approfondir ses nouveaux amours: cristallographie et chimie organique, qui le conduisent à l'étude de la structure des protéines et des virus, domaine où il deviendra également une vedette parmi ses pairs.

Plus modeste que son collègue Watson, il fut moins sollicité par les médias et a poursuivi son travail dans l'ombre, ce qui ne l'a pas empêché d'accumuler les récompenses: Fellow de la Société Royale (1959), prix Charles-Léopold-Meyer de l'Académie française des sciences (1961), prix de la Fondation Lasker (avec Watson et Wilkins, 1960), etc. Marié deux fois, père de trois enfants, il a déménagé en Californie dans les années 1970, où il a poursuivi son travail à l'Institut Salk d'études biologiques.

Pour le Dr Matt Ridley, auteur de Genome and Nature via Nurture, Francis Crick mérite d'être placé au panthéon scientifique aux côtés des plus grands: Newton, Darwin et Einstein. Comme eux, il a ouvert une fenêtre, qui a changé la façon dont les êtres humains regardent le monde qui les entoure... et la place qu'ils y occupent.

 

A lire aussi, de Crick lui-même:
Crick, F.H.C., What Mad Pursuit: A Personal View of Science. Basic Books, New York, 1988.

Sur la découverte de 1953:
Il y a 50 ans, la double hélice

Voir aussi:
L'ADN dans la culture populaire (29 avril 2003)
Fêter l'ADN (29 avril 2003)

Le projet génome humain (Hugo) fut une collaboration internationale comme on voudrait en voir d'autres. Lire à ce sujet:
La science de l'avenir (17 avril 2003)

 

 

En manchette la semaine dernière:
Quand la NASA patauge

A lire également cette semaine:
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