Le groupe écologique
international Les Amis de
la Terre a déposé
une petite bombe ce lundi, 23
février: un rapport de
51 pages qui conclut que 10
ans après l'arrivée
des premiers organismes génétiquement
modifiés (OGM) dans les
épiceries, leurs
fabricants ne sont toujours
pas parvenus à en démontrer
les avantages.
Le rapport a été
déposé à
Kuala Lumpur, en Malaisie, où
s'ouvrait ce même jour
la Première conférence
des participants au Protocole
de Cartagene sur la biodiversité:
ce Protocole est un accord de
l'Organisation des Nations Unies
entré en vigueur en septembre
2003.
Mais alors que
les pro-OGM seraient tentés
de rejeter ce rapport comme
biaisé, ils seraient
bien avisés de jeter
un oeil sur le débat
politique: parce que lui non
plus n'a pas progressé
d'un poil. Alors que les politiciens
britanniques d'abord, européens
ensuite, tergiversent sur la
possibilité de lever
le moratoire de six ans sur
l'entrée de nouveaux
OGM dans leurs pays, les politiciens
américains, eux, font
mine de ne pas comprendre pourquoi
leurs collègues outra-Atlantique
hésitent autant.
D'un côté
comme de l'autre, ni les défenseurs
des OGM ni les promoteurs ne
sont donc parvenus à
faire la preuve de ce qu'ils
avancent.
D'un côté
en effet, les firmes de biotechnologie
n'ont toujours pas réussi,
10 ans plus tard, à garantir
la sécurité de
leurs plantations: depuis 2000,
des études sont apparues,
ici et là, démontrant
que des gènes "étrangers"
peuvent bel et bien aller se
mêler à des plants
non-OGM situés à
quelques centaines de mètres,
voire jusqu'à deux kilomètres.
Par ailleurs,
ces producteurs n'ont toujours
pas pu démontrer non
plus que les OGM sont moins
coûteux à produire,
et que par conséquent,
ils peuvent devenir "la solution
magique aux problèmes
de la faim dans le monde", pour
reprendre l'expression
du porte-parole des Amis de
la Terre, Juan Lopez.
L'Argentine est
un cas intéressant: des
millions de gens souffrent de
malnutrition dans ce pays...
qui est le deuxième plus
gros producteur d'OGM au monde.
A l'inverse toutefois,
les écologistes n'ont
jamais pu démontrer que
les OGM posaient un risque pour
la santé, en dépit
de toutes les rumeurs qu'ils
ont fait circuler. C'est ce
sur quoi s'appuient entre autres
les États-Unis (soutenus
entre autres par l'Argentine
et le Canada) pour s'opposer
à toute forme d'étiquetage
des produits génétiquement
modifiés.
Et c'est ainsi
que cette question d'étiquetage
hante toutes les rencontres
internationales depuis des années,
y
compris celle de Kuala Lumpur
cette semaine: les pays
européens savent que,
au nom de l'Organisation mondiale
du commerce (OMC), ils vont
devoir tôt ou tard, probablement
d'ici avril, réouvrir
leurs frontières à
de nouveaux produits OGM. Mais
ils tiennent mordicus, en échange,
à l'étiquetage
de ces produits; les Etats-Unis
quant à eux s'opposent
farouchement à l'étiquetage
et invoquent les traités
internationaux sur le libre-commerce.
Le Protocole de
Cartagene, dont l'objectif est
entre autres de réglementer
le commerce des nouveaux produits
alimentaires, dont les OGM,
et d'en évaluer l'impact
sur la biodiversité,
a été ratifié
par 86 pays, dont l'Union européenne,
mais pas par les Etats-Unis.
Le débat n'est pas prêt
de prendre fin: la dispute commerciale
entre les Etats-Unis et l'Europe
s'élargit au fur et à
mesure qu'arrivent dans le décor
la
Chine -déjà
l'un des trois ou quatre plus
gros producteurs mondiaux d'OGM-
le Brésil, l'Inde et
d'autres.
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