" Le sarcophage qui recouvre le
réacteur no 4 accidenté est en piteux état.
La toiture et le béton de lenveloppe seffritent
à chaque jour. La neige et la pluie qui entrent par
les fissures du toit provoquent des réactions nucléaires
difficiles à évaluer ", prévient
latomiste Valentin Koupny, ancien directeur adjoint
de la centrale nucléaire de Tchernobyl, lors dune
entrevue accordée au quotidien russe Troud.
LAgence internationale dénergie
atomique (AIEA) se veut rassurante. Mais seulement 70% de
leau qui infiltre la centrale est pompée. Il
est impossible de procéder à un nettoyage
complet de lintérieur, de sorte que le matériel
contaminé continue d'interagir avec le carburant:
et des scientifiques évaluent quil subsiste
200 tonnes de combustible contaminé au centre du
réacteur no 4. " Les murs de lenveloppe
sont chauds et la nuit, des lueurs sont nettement visibles ",
ajoute Valentin Koupny.
Dans la zone sud, la charpente du ventilateur
qui contient une quantité considérable de
débris et de poussières radioactives sest
abaissée de 1,5 mètre. Il faut consolider
les 27 poutres qui supportent le toit. Les dalles situées
à une hauteur de 38,2 mètres menacent de seffondrer
à cause de la forte radioactivité. Le mur
ouest du sarcophage a bougé dun mètre
sous la pression de la structure interne.
Dans ces conditions, un tremblement de terre
de 4,3 sur léchelle de Richter suffirait à
provoquer un effondrement dune partie du sarcophage.
Si tel était le cas, " des tonnes de poussière
radioactive sélèveraient dans le ciel
à une hauteur de deux kilomètres et se déposeraient
ensuite sur les pays voisins " dit lacadémicien
Dmitri Grodzinski qui supervise lentretien de la centrale
nucléaire de Tchernobyl depuis 16 ans, avec l'aide
de 4000 travailleurs (y compris des biologistes et gardes-forestiers
qui font des suivis environnementaux).
Le sarcophage, déplore-t-il, "
a été construit à la va-vite ".
Certains croient comme lui que les travaux, réalisés
en 1986, en 206 jours et avec laide de dizaines de
milliers de travailleurs quil ne fallait pas exposer
plus de 40 secondes à la fois, ont été
bâclés. Et c'est sans compter les 800 sites
denfouissement de déchets radioactifs qui se
trouvent dans la région de Tchernobyl et qui ont
atteint la nappe phréatique en plusieurs endroits.
" Les pires moments pour nous les travailleurs,
cest lorsquune petite brise souffle par temps
chaud. Les touristes apprécient la chaleur, nous,
on ne pense quà se cacher ", rigole
Yuri Tatarchuk, le guide touristique qui fait visiter le
site du réacteur nucléaire de Tchernobyl à
un nombre de plus en plus grand de visiteurs.
15 ans pour en finir
C'est dès 1992 que lUkraine,
soutenue par les pays du G-7 et de la Communauté
européenne, avait adopté un concept de consolidation
de la centrale, afin den faire un endroit sécuritaire.
Ce n'est toutefois qu'en décembre 1995 qu'est adopté
un plan d'action. En 1997, le coût à court
terme est évalué à 768 millions $ US,
et à cause des retards, la facture est aujourd'hui
passée à 1,1 milliard $ US. Quelque 28 pays
sont invités à contribuer au Chernobyl
Shelter Fund administré par la Banque européenne
de reconstruction et de développement. Le Canada
simplique à raison de 33 millions $US. Il a
également financé, pour 19,5 millions de dollars
canadiens, les activités de protection du secteur
avoisinant.
En avril 1998, un consortium formé
des compagnies américaines Bechtel et Battelle, et
dÉlectricité de France (EDF) établit
un agenda des travaux en deux phases, visant à sécuriser
le site au plus tard en 2008, en attendant l'hypothétique
construction d'un nouveau sarcophage, plus durable.
Des appels doffre internationaux seront
lancés au début de lété
pour trouver des entreprises capables de mener à
terme la consolidation de la structure du sarcophage actuel.
" Cest un travail très
complexe car nous ignorons ce qui se passe à lintérieur
de la centrale", explique la porte-parole du consortium
franco-américain.
Une enveloppe pour 100 ans
Une fois cette consolidation menée
à terme, commencera la construction du nouveau sarcophage,
en forme d'arche, qui devrait en théorie isoler le
réacteur pour un siècle. Ce 2e
sarcophage sera le plus imposant du monde : 256 mètres
de large, 108 mètres de haut et 150 mètres
de profondeur. Il sera monté en 12 sections différentes
qui seront ensuite assemblées à 200 mètres
de la centrale.
Les donateurs, auxquels sest ajoutée
la Russie, ont confirmé, le 12 mai à Londres,
un ajout de 200 millions $ US, assurant ainsi une réserve
de 800 millions pour débuter les travaux. En contrepartie,
ils exigent que le gouvernement de lUkraine entreprenne
les réparations avant le 20e
anniversaire de la catastrophe, en avril 2006. " Ce
qui pourrait accélérer les mises en chantier,
cest que les Nations Unies songent sérieusement
à faire de Tchernobyl un site touristique pour les
amateurs de sensations fortes, mentionne Yuri Tatarchuk,
le guide touristique. Ce serait une bonne idée."
Denise Proulx