Car un code génétique, c'est
pour la vie, n'est-ce pas? C'est en tout cas ce qu'on a
appris à ces généticiens. C'est même
une des bases de la génétique depuis qu'un
certain Gregor Mendel, il y a un siècle, a étudié
des petits pois: un être vivant naît avec un
mélange des gènes de ses deux parents. Et
que cela lui plaise ou non, il doit vivre avec jusqu'à
la fin de ses jours.
Mais il semble que cette Arabidopsis, ou plante
à moutarde, le "rat de laboratoire" des biologistes
végétaux, n'ait pas lu les livres de biologie.
Dans une étude parue dans la dernière édition
de la revue Nature, on apprend qu'elle serait capable
de littéralement "réécrire" une partie
du code génétique hérité de
ses parents, pour
régresser au stade de celui de ses grands-parents.
On n'a aucune idée de comment elle
fait ça. Les chercheurs suggèrent qu'il pourrait
s'agir d'un mécanisme de sauvegarde (back-up):
lorsque des êtres vivants se retrouvent dotés
de séquences génétiques défectueuses,
ils pourraient ainsi s'en débarrasser pour les remplacer
par celles, plus saines, de leurs grands-parents.
Et ils disent bien des êtres
vivants. Parce qu'il n'y a aucune raison pour que ce mécanisme
de sauvegarde soit réservé à l'Arabidopsis:
d'autres plantes, et pourquoi pas des animaux, voire des
humains, pourraient aussi en être dotés.
L'équipe dirigée par Robert
Pruitt, de l'Université Purdue à West Lafayette,
Indiana, ne se fait pas d'illusions: son annonce va provoquer
du scepticisme. Mais ses résultats semblent pour
l'instant bien solides l'arabidopsis étant
la plante la plus étudiée des laboratoires,
on peut d'emblée écarter bien des hypothèses
et il faudra des années d'efforts avant de les confirmer
ou les infirmer.
Les chercheurs s'étaient penchés
sur un gène en particulier, appelé hothead,
dont la version défectueuse conduit pétales
et feuilles à fusionner. Pendant la première
génération, leurs plantes avaient un gène
défectueux sur deux. Leurs descendants, tel que prévu
par les lois de Mendel avaient, dans un cas sur quatre,
les deux gènes défectueux. Or, lorsqu'on mêlait
uniquement les spécimens dotés de ces deux
gènes défectueux, se produisait l'anomalie:
alors que tous leurs rejetons auraient dû avoir ces
deux gènes défectueux, jusqu'à 10%
étaient revenus au stade "mitoyen" des
grands-parents.
Aurions-nous, caché au fond de notre
bagage génétique, un
genre de manuel contenant les instructions nécessaires
à la reconstruction adéquate de notre code
génétique? Une molécule-cousine de
l'ADN, appelée l'ARN, est déjà connue
pour ses multiples fonctions, et
est pointée du doigt par Robert Pruitt. Mais
quelle que soit la réponse à cette énigme,
pour l'instant, il n'y a qu'un mot, exprimé par la
revue Nature: les généticiens sont flabbergastés.
S.J. Lolle, et al., "Genome-wide
non-mendelian inheritance of extra-genomic information in
Arabidopsis," Nature, 434:505-09, March 24, 2005.