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une production Agence Science-Presse
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Souris, Einstein
Certains voient en elle un prodige de la nature, d'autres entrevoient
déjà la possibilité de créer une race d'humains
hyper-intelligents. Intelligents comme une souris, quoi.
Chose certaine, au-delà des titres ronflants ("des chercheurs
ont créé une souris intelligente"), la réussite
de cette semaine ouvre la porte à une meilleure compréhension
de la façon dont la mémoire se construit, et même -et
surtout- la façon dont elle peut être améliorée.
Car bien plus que d'avoir amélioré "l'intelligence"
d'une souris -une chose difficile à faire, dans la mesure où
personne ne s'entend sur la définition du mot "intelligence"-
ce qu'ont accompli les chercheurs de l'Université Princeton, qui
a été publié dans la dernière édition
de la revue Nature, et qui a fait le tour du monde, c'est une
amélioration de la mémoire de ces souris.
Et comment cela? Par de banals processus biochimiques: les souris dont
le cerveau produit plus que sa part d'un récepteur appelé
NMDA (N-méthyl-D-aspartate) voient en retour les récepteurs
NMDA de cette même région du cerveau s'activer davantage. Conséquence,
ces souris présentent des capacités d'apprentissage supérieures
à leurs collègues, ainsi qu'une meilleure mémoire pour
plusieurs types de tâches: retrouver leur chemin dans un labyrinthe,
reconnaître des blocs Lego qu'on leur a déjà présentés,
etc. Mieux encore, elles conservent ces aptitudes jusqu'à l'âge
adulte... et transmettent leurs connaissances à leurs bébés.
La cerise sur le gâteau, c'est que les auteurs de l'article de
Nature affirment que ces processus biochimiques pourraient être
déclenchés par de "simples" manipulations génétiques:
c'est exactement ce qu'ils accompli, puisque leurs souris sont des souris
transgéniques, auxquelles a été ajouté un gène,
le NR2B. Or, il se trouve que ce NR2B et ces NMDA, les humains en sont eux
aussi équipés.
On ne sait pas trop pourquoi ça fonctionne ainsi -un changement
s'est sans doute produit au niveau des synapses, ces points de jonction
entre les cellules nerveuses- mais ça fonctionne: donner
un coup de fouet génétique à l'intelligence est désormais
"faisable", selon le terme employé en conclusion de
son article par le chercheur principal, Joe Z. Tsien.
Si les chercheurs qui ont commenté cette découverte se
sont empressés de parler de la porte que cela ouvre sur d'éventuels
traitements contre des maladies dégénératives comme
l'Alzheimer (la production de la protéine NMDA diminue avec l'âge),
les autres n'ont pas manqué de soulever la crainte que tout le monde
a en tête: celle d'avoir une légion de petits Einstein en train
de courir dans la ruelle près de chez vous. Ou, pour aller encore
plus loin, la possibilité de manipuler le bébé pas
encore né au niveau génétique, dans l'espoir d'accroître
son "intelligence", comme si celle-ci n'était rien de plus
qu'une enregistreuse dont il suffit de déplacer le bouton du volume
vers la droite.
Joe Tsien, incidemment, a baptisé sa souris "Doogie",
inspiré par un personnage de télé: Doogie Howser, un
adolescent surdoué devenu médecin...
Certes, signale le psychiatre Robert Malenka à l'Associated Press,
faire
le bond des souris aux humains serait "un très, très
grand bond". Par contre, "c'est un bond que nous pouvons faire
et que nous ferons éventuellement."
"Ce que nous voyons ici, ajoute Arthur Caplan, bioéthicien,
c'est le tout premier pas vers un monde dans lequel nous pourrons fabriquer
sur mesure nos descendants."
Difficile de s'opposer à cette découverte, poursuit-il
aussitôt, quand elle porte en elle la possibilité de venir
à bout de l'autisme, de maladies mentales, du syndrome de Down ou
de l'Alzheimer. Mais qu'arrivera-t-il le jour où des parents seront
prêts à payer une somme énorme, non pas pour envoyer
leur enfant dans la meilleure école, mais pour "l'améliorer"
génétiquement? "Nous avons déjà un écart
dans cette société, lorsque certains enfants vont dans des
garderies qui coûtent 15 000$ par année et d'autres dans des
garderies qui n'ont même pas de plomberie adéquate." Imaginez
le jour où... |