Semaine du 6 décembre 1999

En manchettes la semaine dernière:
En attente d'un signal de Mars...

A lire également cette semaine:
Il est temps de repenser la politique de la Nasa

Querelles au royaume des planètes

Embryon et rat de laboratoire

Le Pôle Nord est sur un terrain glissant

La bombe et le ministère

Et plus encore...


Archives des manchettes


LE KIOSQUE
Pour être branché sur la science

Notre nouvelle section:

Capsules québécoises


Qui sommes-nous?


Retour à la page d'accueil


En manchettes sur le Net est une production Agence Science-Presse


Un chromosome, et puis après?


A
moins d'avoir passé la semaine sur une île déserte, vous savez sûrement, maintenant, qu'un chromosome humain complet a été, pour la première fois, décodé. Mais ceci étant fait, où s'en va-t-on maintenant ? Même ceux qui ont annoncé ce décodage n'en sont pas sûrs.

 

 

Ce décodage est la première phase d'une révolution biologique, entend-on dans la bouche de tous les scientifiques qui ont été invités à commenter cette nouvelle. "Nous commençons à écrire un nouveau livre", résume d'une autre façon le biochimiste britannique Peter Little, dans une analyse complémentaire publiée par Nature.

Nature, qui a publié dans son édition du 2 décembre l'article détaillant ce décodage, co-signé par environ 220 scientifiques répartis dans une dizaine de centres de recherches des Etats-Unis, de Grande-Bretagne, de Suède, du Japon et du Canada. Il leur aura fallu pas moins de 10 ans pour compléter ce "séquençage" des 700 gènes du chromosome 22 (sur les 70 000 à 100 000 qui composent un être humain) ou, pour les initiés, 33 millions de paires de bases -ce qui équivaut à un livre de 33 millions de lettres sans espaces ni ponctuation !

"C'est la première fois que nous possédons un chapitre entier du grand livre de l'humanité et c'est réellement incroyable. C'est probablement un des plus grandes réalisations de l'humanité dans le domaine scientifique, avec la découverte de l'atome et la marche sur la Lune", a estimé Francis Collins, qui dirige ce programme international HUGO (Human Genome) au sein des National Institutes of Health américains.

Et ce livre, poursuit Peter Little, lorsqu'il sera complété, marquera le 3e millénaire. Il transformera la façon dont nous nous voyons nous-mêmes, au moins autant que nous ont transformé les autres livres qui ont marqué les deux derniers millénaires : les grands livres des religions et L'Origine des espèces.

L'ambition est énorme, on le voit. Mais il est vrai que le but final l'est aussi : ce " livre des gènes " (qui, lui, ressemblera à un livre de 3 milliards de lettres sans espaces ni ponctuation!), une fois complété, contiendra littéralement tout ce qui compose un individu à sa naissance. En fait, l'ensemble du livre ne sera probablement jamais complété -après les gènes, il y aura les protéines, et après elles, qui sait quoi encore. Mais complété ou pas, il n'en aura pas moins un impact majeur sur la médecine, la santé publique, et même l'avenir de l'espèce humaine.

"Je pense vraiment que ce que nous avons annoncé aujourd'hui sera utilisé pour le prochain millier d'années" a renchéri le Dr Michael Dexter, directeur du Wellcome Trust -important organisme subventionnaire privé.


Qu'est-ce que ça change ?

Fort bien. Nul ne doute, de toutes façons, de l'importance que pourrait prendre la génétique, pour le meilleur et pour le pire, dans les décennies et les siècles à venir. Mais en quoi le décodage d'un et un seul chromosome est-il aussi important, alors qu'il y en a 45 autres dans tout être humain et que celui-ci, de surcroît, n'est qu'un des deux plus petits ?

Parce qu'il est le premier complété, bien sûr, et que l'étape est symbolique. Mais aussi parce que les techniques expérimentées pour décoder celui-ci servent d'ores et déjà à décoder les autres -et que dès lors, le travail ne peut que progresser de plus en plus vite. Oubliez l'année 2003, si souvent citée, comme moment où l'ensemble du génome humain -les 46 chromosomes- devrait avoir été "cartographié". Désormais, c'est plutôt de 2001 qu'il faudrait parler. Dès le printemps prochain, un premier brouillon devrait être déposé par le projet HUGO.

Outre cela, le chromosome 22 était déjà connu pour abriter les gènes qui, lorsqu'ils sont défectueux, sont associés à au moins 27 maladies ou désordres (affections du système nerveux, trisomie 22, certains problèmes cardiaques et surtout, schizophrénie), et c'est une des raisons pour lesquelles il a été choisi en premier.

Mais il ne faut pas s'imaginer qu'on a désormais mis le doigt sur le gène d'une maladie du foetus ou sur celui de la schizophrénie. Dans le cas du chromosome 22 comme dans le cas du reste du génome humain, ce qui est en voie d'être complété, c'est la cartographie, et rien de plus : autrement dit, on peut désormais identifier tel gène à tel endroit ; mais il reste énormément du chemin à faire, sans doute des décennies de recherche, pour pouvoir dire à quoi servent tous ces gènes.

Enfin, il y a des trous. Si on veut être entièrement exact, il faut écrire que l'ensemble du chromosome 22 n'a pas vraiment été cartographié. Il subsiste 11 " trous ", représentant environ 3% du total, chacun large de quelques milliers de ce qu'on appelle les paires de base (sur les 3,5 milliards que compte l'ensemble de notre bagage génétique). Ce sont des séquences qu'il a été impossible de cloner, impossible de classer, impossible de faire interagir. "Plusieurs morceaux d'ADN font vraiment des choses étranges lorsque vous essayez de travailler avec eux, et nous n'avons aucune idée pourquoi."

Bref, conclut Peter Little, qu'y a-t-il de révolutionnaire dans cette annonce? Pas grand-chose. Sauf une promesse des temps à venir.


Travail d'équipe

En soi, la révolution est peut-être que ce travail ait pu être mené jusqu'au bout par une équipe aussi vaste, quand on connaît les rivalités intenses qui animent la génétique depuis quelques années : ce n'est plus seulement le projet "officiel" HUGO, ce sont au moins trois compagnies privées (Celera Genomics, en tête de liste) qui sont engagées dans la course au décodage du génome humain. Et s'il y a une course, c'est parce qu'il y a de l'argent à la clef, beaucoup d'argent : le premier qui aura découvert "le" gène responsable d'une maladie incurable, et qui aura déposé un brevet sur "la" modification génétique qui combattra cette maladie, pourra se faire une fortune. Multipliez cela par 100 000 gènes, et vous avez une idée du pactole qui dort dans vos cellules.

Et pourtant, en dépit de cette perspective, le travail sur le chromosome 22 a pu être mené à terme sans que quiconque ne se tire dans les pattes. Mieux encore, au fur et à mesure qu'il avançait, le travail était rendu disponible sous la forme de banques de données électroniques -de sorte que des mois avant la parution de cet article dans Nature, des groupes avaient déjà commencé à utiliser certaines de ces données pour étudier certains des gènes nouvellement découverts. Voilà quelque chose, souligne Nature dans un article en forme de commentaire, qu'il faudrait garder en mémoire. Les politiques restrictives qu'imposent certains laboratoires (ceux de la compagnie Celera, en particulier) quant au dévoilement de leurs données ont fait, jusqu'ici, plus de mal que de bien.

Qui sait, peut-être que "le nouveau monde" annoncé par les généticiens est là...

 

En manchettes sur le Net

La Science d'ici et d'ailleurs

Le Kiosque

Science pour tous

Hebdo-Science

Meilleurs sites en science

Bric-í-Brac

CyberExpress

C'est quoi l'ASP

Hommages í...

La Qu¨te des origines

Le Monde selon Goldstyn

Questionnaire