La critique sévère du gouvernement sud-africain par l’envoyé spécial des Nations Unies sur le sida a déclenché un débat politique là-bas. Mais un fait demeure: l’Afrique du Sud demeure l’un des pays les plus durement touchés par le sida... et son gouvernement demeure l’un de ceux qui nient avec le plus de force l’association entre le virus et la maladie.

Dans un langage peu diplomatique, Stephen Lewis, envoyé spécial des Nations Unies sur le sida, a déclaré vendredi, 18 août, lors de la clôture de la conférence mondiale sur le sida à Toronto, que l’Afrique du Sud persistait dans son approche "immorale et inefficace" face au sida.

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Le lendemain, la ministre de la Santé d’Afrique du Sud, Manto Tshabalala-Msimang, a répliqué dans un communiqué que son gouvernement a distribué gratuitement des millions de condoms et mis sur pied un programme de distribution gratuite de médicaments qui touche à présent 175 000 malades.

Le budget alloué au sida a quant à lui triplé entre 2002 et 2005.

N’en demeure pas moins que ce pays est dans une position ambiguë. Quelque 175 000 personnes, c’est fort peu en regard des cinq millions et demi de ses 47 millions de citoyens qui seraient aujourd’hui infectés. Et il n’est pas si loin le jour où, en 2003, le président Thabo Mbeki continuait de nier que le VIH cause le sida, et s’opposait à l’entrée dans son pays de la trithérapie, la qualifiant de nocive.

Devant l’ampleur des protestations, il a dû reculer, mais continuait encore, en 2004-2005, de mettre des freins à la distribution des médicaments.

La recette de la ministre de la santé: ail et huile d'olive

Et sa ministre de la Santé elle-même fait depuis des années la promotion de "médicaments maison": l’huile d’olive, ail, oignon et patates locales, par exemple.

La ministre de la Santé en avait d'ailleurs fait la promotion aux conférences mondiales sur le sida de 2002 et 2004, et cette année, à Toronto, le kiosque de l’Afrique du Sud présentait même un panier de ces aliments, comme étant "le traitement".

"Tshabalala-Msimang ne peut plus être qualifiée de bizarre ou d’amusante, commente le chroniqueur sud-africain Vukani Mde, du Business Day. Son comportement dépasse les limites de l’idiotie et frôle le meurtre."

Sa détermination à promouvoir ces produits naturels plutôt que les antirétroviraux "a réduit l’Afrique du Sud à une blague internationale", renchérit la chroniqueure Khathu Mamaila, du City Press Sunday. "Peut-être devrait-elle travailler pour le ministère de l’Agriculture."

Ces appels à la démission lancés dans les journaux en fin de semaine ont rapidement été récupérés par les politiciens des partis d’opposition.

Dimanche soir, la ministre a défendu à la télévision ses "médicaments maison", invoquant rien de moins que la Constitution: "nous avons une Constitution en Afrique du Sud qui nous donne le droit de choisir. Les gens ont le droit de dire à leur médecin ce qui fonctionne pour eux."

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