Venise, Mumbai et la Nouvelle-Orléans, englouties. L'Amazonie, un grand désert de sable. Plus d'un million d'espèces disparues et pas de steak à se mettre sous la dent...

La revue New Scientist a interrogé climatologues, chimistes et écologistes pour tracer le portrait d'une planète réchauffée de 4 °C. Si 4 degrés peuvent faire rêver aux vacances sous les tropiques, à l'échelle mondiale, ces 4 petits degrés pourraient rendre notre monde méconnaissable... pour bientôt.

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Le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) prédisait en 2007 une hausse de 1,1 à 6,4 °C d'ici 2100 et Bob Watson, l'ancien président du GIEC, conseillait de se « préparer pour 4 °C de réchauffement ».

La dilatation thermique de l'eau et la fonte des glaciers gonflera d'abord le niveau des océans de 2 mètres. Plus, si le Groenland et l'Antarctique se mettent à fondre.

Le CO2 absorbé par les océans pourrait passer de 385 à 550 parties par million. Une telle concentration « serait désastreuse et mènerait sûrement à une planète sans glace, avec un niveau des eaux d'environ 80 mètres. » avance James Hansen, directeur de l'Institut Goddard d'études spatiales, attaché à la NASA.

Déjà, la mer engloutit les côtes. « Il est trop tard pour nous » affirme Anote Tong, Président des Kiribati. Cet état du Pacifique a déjà développé un programme d'émigration graduelle vers l'Australie et la Nouvelle-Zélande.

La sécheresse nourrira les grands déserts et le Sahara pourrait un jour s'allonger jusqu'en Europe centrale. Les plus hautes latitudes deviendraient les terres d’accueil des populations délocalisées. Des villes compactes seront construites en hauteur. Il faudra donc être vigilant pour éviter l'éruption d'épidémies.

Mais comment alimenter ces villes du futur ? David Wheeler et Kevin Ummel du Center for Global Development à Washington proposent un long ruban de panneaux solaires dans les déserts de Jordanie, de Libye et du Maroc qui pourrait soutenir de 50 à 70 % des besoins mondiaux en électricité. Le pétrole laissera sa place au nucléaire, à l'hydroélectricité, à la géothermie et à l'éolien.

À table!

Nos arrières-petits-enfants seront surtout végétariens. Les océans chauds et acides auront exterminé tout le plancton et le poisson qui s'en nourrit. Les poules pourront encore courir en bordure des champs et les chèvres cabrioler dans les milieux arides, mais il n'y aura plus assez de terres pour élever le bétail dans les pâturages. On priorisera les cultures moins assoiffées -adieu riz, bonjour pomme de terre!- et l'installation de plateformes flottantes pour assurer la demande.

La biodiversité aussi en prendra un coup. Les espèces auront du mal à s'adapter à des changements aussi rapides. « Vous pouvez oublier les lions et les tigres: si ça bouge, nous l'aurons mangé » annonce James Lovelock, un ancien chercheur de la NASA. « Les gens seront désespérés ».

Un monde plus chaud de 4 °C précipitera le réchauffement vers une pente dangereuse. Les scientifiques se demandent s'il sera possible de revenir à une Terre aussi riche que celle que nous connaissons. « Pour être sûrs, nous devrions réduire nos émissions de carbone de 70 % d'ici 2015. Nous en produisons actuellement 3 % de plus chaque année» explique Paul Crutzen, lauréat d'un prix Nobel de chimie.

Si la survie de l'espèce humaine n'est pas menacée, la population de 7 milliards ou plus devra néanmoins mettre les bouchées doubles pour ne pas disparaître. Au point où selon le Dr Lovelock, « le nombre [d'humains] restant à la fin du siècle sera sûrement d'un milliard ou moins ».

Alarmiste, tout ça? Si une augmentation de 4°C est « hélas loin d'être improbable », de tels scénarios sont très spéculatifs, nuance Claude Hillaire-Marcel, titulaire d'une chaire de l'UNESCO sur les changements à l'échelle du globe, appelé à commenter cet article du New Scientist.

« Il y a une grande marge d'incertitude » poursuit Anne de Vernal, directrice du GÉOTOP, le Centre de recherche en géochimie et géodynamique au Québec. Les prévisions se basent sur un modèle terrestre d'aujourd'hui et il est difficile d'évaluer comment réagira un « modèle du futur ».

Peter Falloon, climatologue au Hadley Center au Royaume-Uni, est optimiste. « Je crois que nous avons assez de connaissances maintenant. En les utilisant judicieusement, nous pourrions nous adapter aux changements climatiques auquels nous sommes déjà confrontés pour les 30 ou 40 prochaines années. »

Geneviève Puskas

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