Alors, cet homme de Florès, ce Hobbit au crâne si petit : représentant d’une espèce humaine jusqu’ici inconnue, ou Homo sapiens difforme? C’est cette fois une triple contribution —tête, pieds et hippopotames— qui lève un peu plus le voile sur cette controverse majeure de l’évolution humaine.

Il était une fois, sur l’île de Florès, en Indonésie, il y a 17 000 ans, une créature adulte, mais de la taille d’un enfant; qui ressemblait à un humain mais avait le cerveau d’un chimpanzé. Qui fabriquait des outils qu’elle n’était pas censée savoir fabriquer.

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En 2004, l’annonce de la découverte d’un squelette presque complet, et de fragments d’une douzaine d’autres datés de 95 000 à 17 000 ans, a déclenché une série, toujours ininterrompue à ce jour, d’écrits et de colloques, de la paléontologie jusqu’à la philosophie —de « que veulent dire ces os » jusqu’à « qu’est-ce qu’un être humain? ».

Les sceptiques (« ceci n’est qu’un être humain difforme ») ont souvent eu de leur côté la pauvreté relative des ossements : un deuxième squelette d’Homo Floresiensis serait en effet le bienvenue...

Plut tôt ce mois-ci donc, trois études simultanées —tête, pieds et hippopotames— ont affaibli un peu plus les sceptiques. L’une d’elles, parue dans Nature, plutôt que d’analyser une fois encore le crâne, s’est attaquée aux pieds. Les conclusions : très humains par leurs gros orteils et leur arche, très peu par leur longueur (disproportionnée pour un humain moderne, mais pas pour un chimpanzé ou un australopithèque). Homo Floresiensis pouvait marcher sur deux jambes, mais pas courir.

Aux yeux des chercheurs, cela suggère que cet être aurait évolué à partir d’un Homo erectus primitif, ou même de quelque être pré-humain d'avant l’Homo erectus.

Mais sa petite taille? L’hypothèse du « nanisme insulaire » c’est-à-dire cette idée selon laquelle une espèce, isolée sur une île, pourrait évoluer vers le nanisme, est-ce plausible? Eleanor Weston et Adrian Lister, du Musée d’histoire naturelle de Londres, qui publient dans la même édition de Nature, répondeut Oui, à cause des... hippopotames.

Les fossiles des hippos de Madagascar ont bel et bien vu masse corporelle et taille du cerveau diminuer, dans des proportions que prédisaient les modèles. Résultat, un Homo erectus ou même son prédécesseur Homo Habilis, auraient pu théoriquement, en quelques centaines de milliers d’années, perdre jusqu’à 25% de la taille de leur cerveau, jusqu’au niveau atteint par cet individu retrouvé dans cette caverne de l’île de Florès.

Toutes les réponses, commente l’anthropologue Daniel Lieberman, ne sont de toutes façons pas dans cette caverne. D’autres étapes dorment certainement sous les routes d’Asie, entre les squelettes d’Homo erectus retrouvés en Georgie (voir ce texte) et le moment où quelques-uns ont pour la première fois posé le pied à Florès.

Dans tous les cas, le portrait de « qu’est-ce qui fait de nous des humains » est plus complexe qu’on aimerait bien le croire.

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