Des contraintes à la liberté du chercheur? Des organismes subventionnaires qui imposent trop de conditions? Des limites à votre liberté de publier vos propres résultats? Oui, bien sûr que ça existe mais... vous avez toujours la possibilité de dire Non!

C’est l’avis qu’a lancé Johanne Charbonneau, directrice du Centre INRS-Urbanisation, culture et société, à une audience qui avait déjà bien des raisons d’être déprimée. Au cours des deux heures précédentes, les autres intervenants avaient tracé le portrait d’une évolution en apparence inéluctable : des subventions à la recherche qui sont de plus en plus orientées; un administrateur de laboratoire qui négocie désormais des contrats avec des avocats plutôt que des scientifiques; et des chercheurs employés par le gouvernement qui ont beaucoup moins de liberté de parole que ceux qui sont employés par l’entreprise privée. C’est jusqu’à la multiplication des comités d’éthique, pourtant un concept auquel nul ne songerait à s’opposer, qui ajoute des obstacles à la recherche, a noté Paul-André Comeau, professeur invité à l’École nationale d’administration publique.

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Paul-André Comeau, Johanne Charbonneau et d’autres, participaient à un colloque d’une journée intitulé « La recherche bâillonnée », organisé par l’Acfas le 4 juin à Montréal.

Et on aurait tort de croire que la censure ne provient que d’en haut. Il y a ce que Paul-André Comeau, un ancien journaliste, a appelé poliment « la censure auto-infligée », quand des chercheurs freinent eux-mêmes la diffusion de leurs résultats, en utilisant un langage volontairement hermétique. Or, la publication de résultats au coeur d’un cercle trop étroit d’experts est en soi un problème... surtout lorsqu’un chercheur, après avoir publié ces résultats dans une revue, refuse d’en parler à un journaliste!

Les médias en ont par moments pris pour leur rhume. Alliés occasionnels et appréciés, par exemple dans l’épisode de la mousse isolante d’urée-formaldéhyde, ou MIUF, il y a un quart de siècle —du moins, alliés des scientifiques qui, comme le Dr Albert Nantel, toxicologue, tenaient à ce que l’information sorte au grand jour— les médias ont en revanche été la cible des habituelles critiques contradictoires :

- un spécialiste de l’environnement, dans l’audience, a raconté s’être plaint du fait que la page Science de La Presse n’ait pas parlé du sujet qui lui tenait à coeur, mais ne s’était pas aperçu que la page Science n’existait plus depuis quatre ans; - ou ces trois représentants du dernier panel qui disaient tous à leur façon que les chercheurs devraient être plus pro-actifs dans leur façon de diffuser « du laboratoire au citoyen » mais qui, interrogés par un bibliothécaire de l’Université Concordia sur ce qu’ils pensaient des blogues de science, ont révélé qu’ils n’avaient aucune idée de ce qu’est un blogue de science.

Deux cultures, deux façons de voir le problème, qui ne semblent pas près de se rejoindre...

Pascal Lapointe

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