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Faut-il sortir les devoirs de la maison? La question revient épisodiquement hanter l’école et les parents du Canada. La France, elle, a décidé d’agir et a annoncé en octobre dernier la mort des devoirs à la maison pour tous les élèves du primaire dès septembre 2013.

Le président François Hollande concrétise ainsi la refonte du système d’éducation annoncée durant la dernière présidentielle. Les devoirs devront être faits dans l'établissement plutôt qu'à la maison pour accompagner les enfants et rétablir l'égalité, souligne le chef d’État.

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Le terme « égalité », deuxième fondement de la devise républicaine, n’a pas été choisi par hasard. Pour le président, l’expulsion des devoirs de la maison vise à donner les chances de réussite pour tous.

Pas question d’éliminer les devoirs au Québec

Au Québec, pourtant, personne ne semble vouloir encore se débarrasser des devoirs. En 2010, 90 % des parents du primaire s’y disaient favorables, selon un sondage commandité par la Fédération des comités de parents du Québec. Mais du même souffle, ils étaient 46 % à les considérer comme une source de stress. Une corvée, disaient-ils, difficilement conciliable avec l’organisation du travail, des transports, du repas au bain, etc.

Dans un mémoire déposé en septembre dernier, Carole Fecteau de l’Université de Montréal a étudié la différence entre les familles favorisées et défavorisées dans leurs rapports aux devoirs. Pour les dernières, les devoirs génèrent en effet leur lot de stress. Les enfants ont besoin de plus temps pour les compléter et sont aussi moins motivés à les faire. Dans les milieux précaires, l’exercice génère davantage de conflits, note la chercheuse. Des différences significatives si comparées à leurs voisins des quartiers cossus.

Mêmes conclusions au Conseil supérieur de l’éducation, qui a publié en 2010 un avis sur la pertinence de donner ou non des devoirs au primaire. La métamorphose de la famille québécoise force la réflexion, peut-on y lire. Familles monoparentales ou recomposées, parents qui ne maîtrisent pas la langue d’enseignement ou peu scolarisée et l’horaire de travail, un contexte apparemment défavorable aux devoirs.

Dans sa recherche, Carole Fecteau relève que les parents se disent incapables de comprendre les consignes des professeurs. Ils aimeraient avant toute chose connaître et suivre le programme scolaire de leurs enfants. Ils sont aussi plusieurs à réclamer une formation pour apprendre à superviser adéquatement les devoirs de leurs enfants. Nantis ou pas, « on ne peut tout de même pas demander aux parents le soir de remplacer les professeurs », explique de son côté Jean Archambault, professeur à la faculté des sciences de l’éducation à l’Université de Montréal.

Et qu’en dit la science?

Le Conseil supérieur de l’éducation admet l’absence d’études scientifiques capables de confirmer la corrélation entre l’impact des devoirs sur les résultats scolaires au primaire. Quoi qu'il en soit, ils sont là pour de bon, affirme le Conseil.

Les transformations familiales, les différences socio-économiques et les difficultés d’apprentissage nous obligent cependant à les repenser. Et heureusement pour les professeurs autant que pour les parents, certaines études en psychologie et en neurosciences cognitives ont ciblé des techniques qui pourraient influencer l’apprentissage scolaire des jeunes élèves.

Une de ces approches vise à inclure plus de matières différentes dans une même session d’études. Les élèves soumis à cet apprentissage ont réussi à mémoriser deux fois plus d’information que leurs comparses soumis à une session d’études étalée sur une plus longue période.

Les devoirs complémentaires aux leçons apprises en classe aideraient aussi les enfants à mieux assimiler la matière. « Les élèves doivent premièrement s’intéresser à la matière à faire en devoir. Deuxièmement, ils doivent avoir envie d’approfondir, de chercher à comprendre ces notions par eux-mêmes. » Deux conditions gagnantes pour maximiser l’apprentissage, soutient Jean Archambault.

Des devoirs complémentaires, c’est bien. Mais des devoirs complexes, c’est encore mieux, suggère Jacques Tardif, professeur à la faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke « Le cerveau apprend en traitant plusieurs éléments à la fois. Les devoirs doivent confronter l’enfant au maximum de complexité pour être efficaces. » Une approche optimale pour renforcer la mémoire, confirmée par une étude parue dans la revue Cognition, en 2010.

Dans un souci d’équité, les parents ont prioritairement besoin de soutien dans l’aide aux devoirs. Les exercices validés scientifiquement viendront ensuite optimiser la façon d’apprendre du cerveau. Deux leçons à tirer à priori avant de trancher la question d’abandonner ou non les devoirs. À défaut de quoi le débat viendra nous hanter pour les 100 prochaines années encore!

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