loki-vie-arctique.jpg
Comment peut-on établir que des microbes vivant au fond de l’océan ont avec nous un lien de parenté de deux milliards d’années?

Ça n’a pas fait les manchettes, mais certains biologistes ont annoncé cette semaine la plus grosse découverte de leur carrière : au fond de la mer, entre le Groenland et la Norvège, près d’une source de chaleur appelée Loki, des microbes différents de tous les microbes connus jusqu’ici. Des microbes qui, si la découverte se confirme, seraient les plus proches parents communs à toutes les formes de vie complexes sur Terre —nous y compris.

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

Un rappel. La vie sur Terre se divise en gros en trois branches : les eucaryotes —tous les animaux, toutes les plantes, et jusqu’aux êtres microscopiques dont la cellule possède un noyau— les procaryotes —les bactéries sans noyaux— et un groupe exotique et moins bien connu ressemblant aux procaryotes, les archées. En gros, les eucaryotes se seraient séparés de leurs cousins plus petits et moins complexes, il y a deux milliards d’années.

C’est sur une analyse de l’ADN de ces microbes du fond de l’océan Arctique que Thijs Ettema, de l’Université d’Uppsala, en Suède, s’appuie pour écrire dans l’édition du 6 mai de Nature que ces organismes sont une pièce manquante du casse-tête: ce sont des organismes qui ressemblent aux procaryotes et aux archées, en ceci que leurs cellules n’ont pas de noyaux, mais qui possèdent plus de 100 gènes servant à des fonctions normalement exclusives aux eucaryotes. Des gènes qui servent entre autres aux cellules à construire leur « structure » interne, ou cytosquelette, et à se mouvoir.

Autrement dit, l’hypothèse qui excite les biologistes est que ces « Lokiarchées » représenteraient le modèle de ce qui aurait été le précurseur des eucaryotes. Un microbe sans noyau, à la structure d'une extrême simplicité, mais qui commençait à évoluer vers quelque chose de plus complexe.

Le problème est que l’équipe de chercheurs n’a pas vu directement ces microbes : elle ne peut les analyser qu'indirectement, à travers leur génome. Ces microbes ont-ils vraiment un cytosquelette, ou juste les gènes qui permettraient d'en avoir un? Peuvent-ils se mouvoir et avaler ce qui passe à leur portée? Il est également possible que le nombre de «pas» à franchir entre le procaryote et l’eucaryote soit beaucoup plus grand que ce que cette découverte laisse croire.

Et même s’il s’agissait d’un «chaînon manquant» —le terme qui fait généralement horreur aux biologistes— ça laisserait encore en plan des questions plus complexes: pourquoi cette évolution ne se serait-elle produite qu’une seule fois, il y a deux milliards d’années? L’idée la plus répandue veut que cette évolution aurait été le résultat de la fusion de deux micro-organismes, où l’un se serait invité à l’intérieur de l’autre et aurait conduit aux résultats qu’on connaît. Mais si tel est le cas, pourquoi une telle fusion ne se serait-elle produite qu’une seule fois dans le grand arbre de la vie?

Je donne