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Rarement —peut-être jamais— l'interdiction de vendre un kit médical n'aura-t-elle fait autant jaser sur les médias sociaux. Mais au-delà des questions qui ont été posées sur l’absence de fiabilité d'un kit de dépistage génétique, «l'affaire 23andMe» souligne que le «Big data» a cessé d’être une chasse gardée des scientifiques. Pour le meilleur et pour le pire.

Le 22 novembre, une missive administrative apparaissait sur Internet. Émanant de l'agence américaine chargée d'approuver les médicaments —la Food and Drug Administration, ou FDA— elle était adressée à la compagnie californienne 23andMe. La FDA y enjoignait celle-ci de cesser de vendre son kit de dépistage génétique personnalisé —vous prenez un échantillon de salive et vous nous l’envoyez par la poste— alléguant que les statistiques sur lesquelles la compagnie s’appuie pour poser des diagnostics sont invalides.

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Même après toutes ces interactions avec 23andMe, nous n’avons toujours pas d’assurance que la firme a validé, analytiquement ou cliniquement, le test de dépistage génétique pour l’intention qu’elle lui attribue.

Émoi: pour les uns, il a toujours été clair que ces tests prétendant conclure que vous êtes à risque de ceci ou de cela, doivent être vus avec prudence. Pourquoi a-t-il fallu quatre ans à la FDA pour s'en apercevoir? En partie parce que la compagnie californienne a fait traîner les choses en longueur —sa dernière correspondance avec la FDA remonte à six mois, et elle s’est lancée depuis dans une grande campagne de promotion, comme si les exigences de la FDA lui importaient peu.

Mais s’il a fallu tout ce temps, c’est aussi en partie parce que la perception de ce qu'est le Big data demeure faussée par un enthousiasme démesuré: une perception selon laquelle l'accumulation des données pourrait apporter à elle seule des réponses —en santé, mais aussi en sciences sociales, comme l’a démontré l’enthousiasme initial autour de Google Books...

Ce qui est faux, selon l’historien Lukas Rieppel :

Les compagnies de données comme Google et 23andMe sont dans l’analyse de données, pas la production de données. Ils s’attendent à ce que leurs utilisateurs génèrent eux-mêmes leurs données. Tout ce qu’ils font, c’est de concevoir des techniques (algorithmes) avec lesquelles on peut tirer des interprétations de ces données.

Depuis le 22 novembre, les défenseurs de 23andMe en appellent donc à l’intelligence du public: le test de dépistage —à 99$ l’unité— n’est pas présenté comme un équipement médical et l’acheteur est censé comprendre que les réponses doivent être prises avec des pincettes. Mais la FDA en doute, en prenant comme exemple le gène BRCA, de prédisposition au cancer du sein. Un diagnostic erroné —un «faux positif»— pourrait conduire la patiente vers une chirurgie inutile ou une chimiothérapie préventive, alors qu’un faux négatif «pourrait conduire à la non-reconnaissance d’un risque réel».

Pour le blogueur médical Matthew Herper, du magazine économique Forbes, 23andMe a agi «stupidement» en tentant de contourner les directives de la FDA pour faire passer son produit comme «non médical»:

Initialement, elle était une des trois compagnies espérant apporter trois différents services de génomique personnalisés au consommateur. Pour diverses raisons, les autres, DeCodeMe et Navigenics, n’ont pas survécu. Mais 23andMe a réussi à passer, grâce au soutien de ses puissants investisseurs mais aussi par un échec et mat avec les régulateurs : la compagnie a présenté son test non pas comme un kit médical mais comme une façon amusante d’apprendre la génétique.

Dans tous les cas, l’histoire ne fait que commencer. Que ça plaise ou non, les tests de dépistage génétique vont continuer de se démocratiser, et d’offrir de plus en plus de données... pour moins cher.

Il y a peut-être lieu de glisser dans tout ce processus un peu de «paternalisme sélectif», selon l’expression du journaliste David Dobbs: autrement dit, que ceux et celles qui se découvrent un gène de prédisposition à l’Alzheimer ou au cancer puissent avoir à portée de clic quelqu’un pour les rassurer. Mais on ne pourra certainement pas faire disparaître l’accès à ces informations, dans un univers où les grandes bases de données deviennent de plus en plus accessibles.

Pour le meilleur et pour le pire, rappelle Lukas Rieppel, 23andMe a fait le pari, il y a quelques années, que «les séquences d’ADN ne sont pas si différentes de l’hypertexte»: on peut les analyser au moyen d’ordinateurs de plus en plus puissants et de moins en moins coûteux.

C’est en somme, au coeur même de nos gènes, la convergence des avancées, pas toujours bien maîtrisées, de l’informatique, d’Internet, de Google et de l’accès libre aux données scientifiques. Nous sommes en train de devenir, nous aussi, une base de données.

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