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semaine du 11 mars 2002



Le retour de la fusion-pas-froide


Pour les uns, c'est un espoir jamais abandonné qui renaît. Pour les autres, c'est le risque d'un autre dérapage, marqué une fois encore par une conception erronée de la façon dont se construit la science.

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La controverse est en fait déjà commencée, et elle a même commencé quelques jours avant que la recherche ne soit publiée, jeudi dernier, dans la revue Science, obligeant celle-ci à rendre publique plus tôt que prévu cet article. Des physiciens nucléaires américains et russes, au Laboratoire national Oak Ridge, dans le Tennessee, affirment avoir réalisé une fusion nucléaire dans un banal récipient.

Mais attention, rien à voir ici avec la mythique fusion froide: on parle tout de même d’une température d'un million de degrés, à laquelle on a fait chauffer un liquide organique, lequel s’est mis à faire des petites bulles.

Explication. La fission nucléaire, c’est la bombe atomique et les centrales nucléaires: des atomes, sous l’effet d’un bombardement par d’autres atomes, se divisent, libérant une énergie colossale. La fusion nucléaire, c’est le contraire: des atomes s’unissent, fusionnent, libérant là aussi de l’énergie. C’est ce qui se produit en permanence au coeur des étoiles, dont notre Soleil, et c’est ce qui explique qu’elles brillent. La différence entre fission et fusion, c’est qu’alors que les physiciens maîtrisent la fission nucléaire depuis plus d’un demi-siècle, la fusion nucléaire reste hors de leur portée, sauf avec des appareils gigantesques coûtant des sommes monstreuses (ou avec une bombe à hydrogène, ce qui n’est pas, on en conviendra, à la portée du premier venu).

Dommage. Parce que la fusion nucléaire résoudrait toutes les crises d’énergie, à jamais: des atomes, on en trouve partout... D’où le rêve de réaliser la fusion nucléaire à moindre coût, qui a généré de nombreux mythes, dont celui, il y a 12 ans, de la fusion froide.

Insistons bien sur le mot: un mythe. Bien que la légende continue de circuler, jamais il n’a pu être démontré que les électrochimistes Stanley Pons et Martin Fleishman avaient bel et bien réalisé, en 1989, une fusion nucléaire "à froid" dans leur laboratoire. Non seulement leur expérience n’a-t-elle jamais pu être reproduite, mais en plus, la publication de leurs résultats a relevé davantage de la campagne de marketing que de la démarche scientifique rigoureuse. Une partie de la communauté scientifique en crève encore de honte.

Rien de tel cette fois, assure-t-on. L’équipe dirigée par Rusi Taleyarkhan, de Oak Ridge, et Richard Lahey, de l’Institut Polytechnique Rensselaer à Troy (New York), a employé une méthode a priori sérieuse, impliquant un phénomène connu sous le nom de cavitation acoustique, dans lequel des ondes sonores passant à travers un fluide créent des bulles minuscules. Sous certaines conditions, ces bulles envoient un infime jet de lumière lorsqu’elles éclatent: on appelle cela la sonoluminescence. En théorie, disent depuis longtemps plusieurs spécialistes de la sonoluminescence, il suffirait de réunir les bonnes conditions pour que ces bulles atteignent des températures et une pression extrêmement élevées —juste assez pour provoquer une fusion nucléaire.

C’est donc ce qu’affirment avoir accompli ces chercheurs, en avril 2001, en produisant des bulles d’un millimètre de diamètre —quelque chose d’énorme, à l’échelle atomique. Une révolution scientifique, s’ils ont raison.

Mais ont-ils raison ? Des collègues à eux, Dan Shapira et Michael Saltmarsh, également à Oak Ridge, ont tenté de reproduire leur expérience, entre mai et juillet 2001, employant les mêmes ingrédients dans les mêmes conditions. Et ils ont échoué. Et c’est en partie de là que provient la controverse, alimentée en plus par un échange de courriers assez vifs entre des chercheurs et la revue Science.

Car comme tout chercheur qui se respecte, Taleyarkhan et son équipe ont soumis leurs résultats pour publication à la revue Science, qui représente le haut du pavé de la recherche scientifique mondiale. Comme c’est l’usage, la direction de la revue a soumis cet article, pour évaluation, à un comité de 14 experts. Lorsqu’ils ont appris que la revue allait publier les résultats de leurs collègues, Shapira et Saltmarsh se sont indignés. L’information s’est alors mise à circuler dans les milieux spécialisés, et la controverse a enflé. Jusqu’à éclater la semaine dernière, lorsque la BBC a révélé toute l’histoire, obligeant Science à rendre publique la recherche en question avant la date prévue.

"Il n’y a aucune preuve de quelque excès de neutron dû à la fusion", affirme aujourd’hui Michael Saltmarsh. "Cet article est une courtepointe, et chacun des morceaux a des trous", résume un autre des critiques, Mike Moran, physicien au Laboratoire national Lawrence Livermore, qui a lui aussi effectué des expériences en sonoluminescence, et qui affirme avoir lui aussi vécu de faux espoirs de fusion, avec des interférences causées par ses générateurs d’ondes acoustiques.

Alors que la controverse enflait, des chercheurs, y compris des dirigeants de Oak Ridge, ont carrément écrit à Science, lui recommandant de ne pas publier cet article, ou à tout le moins d'en retarder la publication, craignant entre autres qu’une recherche mal appuyée ne vienne recréer le brouhaha autour de la fusion froide, et ne discrédite encore davantage la recherche scientifique. De fait, lorsque l’histoire est apparue dans les médias, on a qualifié cette expérience de Oak Ridge de "fusion froide" -ce qui n’a rien à voir, puisque, rappelons-le, il a fallu travailler à une température de l’ordre du million de degrés pour y arriver.

Le rédacteur en chef de Science, Donald Kennedy, se dit indigné de ces pressions, et le fait savoir dans son éditorial. Tout en rappelant que sa revue ne peut garantir la validité de tout ce qu’elle publie, mais que c’est sa mission de publier, dès qu’une recherche a survécu au processus de relecture par le comité d’experts. Mais Science, fait inhabituel, a tout de même joint, dans sa version électronique, un article de Shapira et Saltmarsh, les deux auteurs de l’expérience non concluante.

La suite est à nouveau entre les mains des scientifiques, qui devront maintenant s’acharner à reproduire l’expérience de Taleyarkhan.

 

  • Le communiqué du Laboratoire national d’Oak Ridge
  • L’article paru dans Science (la lecture du résumé nécessite une inscription gratuite)
  • L’article (arrivant à des conclusions opposées) de Shapira et Saltmarsh...
  • ... et la réfutation qu’en font les auteurs de la première expérience

 


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