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semaines du 9 janvier 2006



Comment la fraude a pu passer entre les mailles du filet

Comment l'article proclamant frauduleusement un clonage de cellules a-t-il pu passer au-travers d'un comité de révision et se retrouver dans une revue aussi prestigieuse que Science?


L'article désormais honni était arrivé dans la boîte de courriel de Science le 15 mars 2005, raconte cette semaine la journaliste Jennifer Couzin, dans les pages de Science. Immédiatement, les chefs de la rédaction y ont vu un contenu potentiellement explosif: premier clonage "en série" de cellules-souches, réalisé par la même équipe de l'Université nationale de Séoul qui, 13 mois plus tôt, avait décrit le premier clonage réussi de cellules-souches.

Première étape: l'article fut envoyé à deux membres du Bureau de révision, qui ont 48 heures pour dire si un article mérite de figurer parmi les 30% d'articles reçus qui sont envoyés à un comité d'experts pour une révision. Le 18 mars, ayant reçu un avis favorable de ces deux personnes (que la revue a refusé d'identifier), l'article était envoyé à un comité de trois experts en cellules-souches. Ils avaient une semaine pour donner leur avis. Après cela, six autres experts allaient être appelés à examiner l'article, à des degrés différents.

Aujourd'hui, on le sait, les 11 lignées clonées de cellules-souches décrites dans cet article n'existent pas: le comité d'enquête de l'Université nationale de Séoul a conclu le 29 décembre que le Dr Hwang Woo Suk, l'auteur principal, a maquillé les données d'ADN et inversé les photos.

Science aurait-elle pu détecter la fraude? Dans cet article publié par elle-même, la revue Science répond, sans surprise, que Non. Mais des spécialistes des cellules-souches viennent également à sa rescousse: si une fraude est bien faite, elle peut échapper à l'œil d'un comité de révision, même formé d'experts. Le système des comités d'experts (peer-review) n'est pas infaillible, explique Martin Blume, rédacteur en chef des neuf journaux de la Société américaine de physique.

A lire aussi:

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Clonage: que se passe-t-il en Corée (synthèse - semaine du 19 décembre)

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En revanche, la force de la méthode scientifique, c'est que de telles fraudes sont tôt ou tard révélées au grand jour: d'autres chercheurs vont essayer de reproduire les résultats et n'y parviendront évidemment pas, ou bien ils examineront plus en détail les données des "découvreurs" et en constateront rapidement les failles.

Qui plus est, à l'heure d'Internet, ce type d'information circule encore plus vite.

Dans l'esprit du public, "le spectre de la fraude" plane au-dessus des laboratoires, écrit Bettyann Holtzmann Kevles, de l'Université Yale, dans le Washington Post: certains cas célèbres comme l'homme de Piltdown (voir notre dossier) sont passés à l'Histoire. Mais ces exemples sont justement célèbres parce qu'ils sont rares.


A gauche et à droite, deux photos censées représenter deux lignées différentes, qui se sont révélées être des photos différentes de la même lignée. L'auriez-vous remarqué? (photo fournie par Science)

La course à la publication

Ceci dit, les fraudeurs ont aujourd'hui un coup de pouce de "l'industrie" scientifique elle-même: la course à la publication. Science, comme toutes les autres revues de prestige, souhaite publier des premières, parce qu'elles génèrent de la publicité, dans la communauté scientifique et dans les médias. Pour un chercheur, de la publicité signifie davantage de sous, et peut-être la gloire.

Cette pratique n'est pas sans risque. Partout sur la planète, gloire et argent sont un incitatif à la fraude: le scandale canadien des commandites en est l'écho, tout comme les chutes d'Enron, WorldCom et autres géants de l'économie des années 1990.

Est-ce qu'on pousse un peu trop dans le dos des comités de réviseurs au point où ils vont bâcler leur travail? C'est ce que suggère le généticien Denis Duboule, de l'Université de Genève (et membre du Bureau des réviseurs de Science). L'article du Dr Hwang dont il est question ici a été accepté 58 jours après sa réception, pas mal moins que la moyenne des 81 jours.

Certains journaux scientifiques ont entrepris des réformes pour au moins limiter les dégâts: par exemple, depuis 2000, le Journal de l'Association médicale américaine et d'autres de ses semblables exigent de chaque co-auteur qu'il détaille quelle fut sa contribution à la recherche. Si l'un d'eux veut tricher, il doit le faire en sachant que ses collègues le sauront. Cette politique n'est pas implantée chez Science (ni son principal concurrent, Nature), avec pour résultat qu'on ignore qui savait quoi, parmi la quinzaine de personnes qui ont co-signé l'article avec le Dr Hwang.

Et le Dr Hwang est le seul à avoir subi l'opprobe jusqu'ici. Encore que, vu de l'étranger, le scandale ait éclaboussé toute l'Université nationale de Séoul.

Pascal Lapointe

 

 

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