Semaine du 18 décembre 2000

En manchette la semaine dernière:
Un Celera sur la sellette

A lire également cette semaine:
A quand le décodage d'une vraie plante?

Une prison alimentaire dorée?

La France n'est pas sortie de l'auberge

Quand un scientifique lit Playboy

Enfin quelqu'un qui fait de l'argent sur Internet

Et plus encore...


Archives des manchettes


LE KIOSQUE
Tous vos médias sur une seule page!

A voir aussi:

Le Kiosque des sciences humaines

Le Kiosque Histoire

 


Vous êtes un légume


A
quoi ça sert, de recenser tous les gènes d'une plante obscure dont personne n'avait entendu parler? Eh bien, un jour, peut-être, à combattre la famine.

Aimez-vous l'idée d'être un cousin du brocoli?
Discutez-en dans le forum Science-Presse/Médito

 

A entendre les biologistes spécialistes des végétaux, le décodage du génome de l'Arabidopsis, ou plante à moutarde, la semaine dernière, était l'événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la Lune. Difficile de voir pourquoi, quand on sait que cette plante, bien que proche cousine du brocoli et du chou, a fort peu d'utilités pratiques: elle ne se mange pas, ne produit rien qui puisse s'approcher d'un médicament et ne sert même pas de plante d'intérieur.

Par ailleurs, depuis quatre ans, on avait déjà séquencé le génome d'une trentaine de bactéries, dont celle responsable du choléra. On a séquencé le bagage génétique d'un ver. D'une mouche à fruit. Ceux de la souris et du chat sont en bonne voie. Et par-dessus tout, on a complété celui de l'être humain (lire cet article). En quoi le fait d'avoir accompli la même chose avec une plante est-il aussi important, au point de se mériter pas moins de six articles dans les revues Nature et Science, et d'avoir mobilisé depuis 1996 un consortium international comparable à celui qui a accouché du génome humain?

"La plupart des principes qui fonctionnent avec cette petite plante fonctionnent de la même façon dans des plantes plus utilisées en agriculture", explique à Science News Gerald R. Fink, directeur de l'Institut Whitehead pour les recherche biomédicales à Cambridge (Massachusetts), l'un des centres de recherche impliqués dans cette percée. En conséquence, comprendre comment fonctionnent les gènes de cette plante, qui sert de "rat de laboratoire" aux scientifiques depuis 20 ans, aidera à comprendre les gènes des autres plantes. Y compris des plantes vitales pour nous, comme le riz ou le blé.


Avoir plus de respect pour les légumes

Et ce n'est pas tout. La fenêtre que le séquençage de l'Arabidopsis thaliana ouvre sur les autres plantes est beaucoup plus riche que prévu: cette plante a un nombre étonnamment élevé de gènes -soit 25 498, contre 13 600 pour la mouche à fruit. Ce total en fait le plus complexe génome, parmi tous ceux décodés jusqu'ici, et oblige à réévaluer nos préjugés sur les végétaux: ils ne sont pas aussi simples qu'ils en ont l'air.

"Cela nous souligne que nous nous devons d'avoir plus de respect pour les plantes", a déclaré le Prix Nobel James Watson, co-découvreur, il y a un demi-siècle, de la double hélice de l'ADN, invité d'honneur à la cérémonie qui, au Laboratoire Cold Spring Harbor (New York), marquait l'aboutissement de cinq années de travail pour des chercheurs de cinq pays (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Allemagne, Japon).

De ces 25 500 gènes, environ les deux tiers sont des doublons, ce qui constitue la plus grande énigme derrière ce séquençage. Certains scientifiques, rapporte le service d'information de la revue Nature, croient qu'en réalité, ces doublons ne seraient pas tout à fait des doublons, mais des versions très légèrement différentes d'un même gène, accomplissant des fonctions différentes. Ou encore, chacune des deux "versions" d'un même gène ne serait "éveillée" que sous des climats différents, ce qui témoignerait donc de l'évolution de la plante, au fil des dizaines de millions d'années.


Le légume, notre cousine

L'évolution est justement l'autre élément-clef derrière cette masse de données. Ces "doublons" sont bien plus anciens que l'Arabidopsis elle-même. Une des équipes évalue sommairement à au moins 100 millions d'années le moment où le génome a créé ces copies de sûreté, une époque où l'ancêtre de cette plante était aussi éloigné de l'Arabidopsis que les premiers mammifères l'étaient de nous. Cela veut dire que toutes les plantes vivant aujourd'hui et qui descendent de cet ancêtre commun, ont la majorité de leurs gènes en commun avec l'Arabidopsis.

Mais ce n'est pas tout. Les plantes à fleurs ont commencé à évoluer il y a 200 millions d'années. Aujourd'hui, on en compte 250 000, dans tous les coins de la planète, des plus froids aux plus chauds. Toutes ont des caractéristiques communes, comme de convertir l'énergie solaire et le dioxyde de carbone en "nourriture" pour leur croissance -toutes ont donc des milliers de gènes en commun avec l'Arabidopsis, elle aussi plante à fleurs.

Remontons plus loin encore : la division entre les animaux et les plantes a eu lieu il y a environ 1,5 milliard d'années, à une époque où la vie sur Terre se limitait vraisemblablement à des organismes composés d'une seule cellule. Cela signifie donc qu'une partie des gènes des humains et de l'Arabidopsis trouve son origine dans ces organismes d'il y a plus d'un milliard et demi d'années -et par conséquent, que nous partageons une partie de nos gènes avec l'Arabidopsis, et avec les 250 000 plantes à fleurs de la planète.

Que cela nous plaise ou non, nous sommes les cousins de la plante à moutarde.

"Il y a environ 100 gènes dans l'Arabidopsis qui sont reliés de très près aux gènes des maladies humaines -maladies telles que la surdité héréditaire, la cécité et les cancers", explique le Dr Mike Bevan, coordonnateur européen de l'Initiative Génome Arabidopsis.

En conséquence, apprendre comment ça marche au sein de l'Arabidopsis pourrait contribuer à faire pousser des plants de blé ou de riz plus résistants. En fait, cela pourrait même s'avérer moins controversé qu'avec les actuels organismes modifiés génétiquement (OGM), puisqu'avec la connaissance intime d'une plante, on pourrait en théorie rendre plus résistante une plante grâce à un de ses propres gènes, plutôt qu'en lui insérant un gène étranger.

Avec ces 25 500 gènes et ces 125 millions de paires de base en main, les biologistes pourraient par exemple identifier les régions du génome végétal qui permettent d'améliorer la croissance. On pourrait dès lors imaginer des plants mieux adapté au climat d'un pays en voie de développement, ou spécialement conçus pour " aspirer " davantage de dioxyde de carbone. En bref, le décodage du génome de cette modeste plante pourrait, à long terme, avoir encore plus d'impact que le décodage du " banal " génome humain...

 

En manchettes sur le Net

La Science d'ici et d'ailleurs

Le Kiosque

Science pour tous

Hebdo-Science

Meilleurs sites en science

Bric-Å-Brac

CyberExpress

C'est quoi l'ASP

Hommages Å...

La QuÂte des origines

Le Monde selon Goldstyn

Questionnaire