Dans
ces textes, il avait
le don de parler
de biologie, dévolution
des espèces
et de fossiles,
en utilisant des
exemples tirés
de lart...
ou du baseball.
Parmi ses ouvrages
plus étoffés
publiés en
français,
on note Le Pouce
du panda, Le Sourire
du flamant rose
et Les Pierres
truquées
de Marrakech.
Ses
conférences
publiques à
Harvard entraînaient
traditionnellement
des salles combles.
Il a eu droit à
la page couverture
du magazine américain
Newsweek
en 1982 un
événement
si rare pour un
scientifique, quon
sen souvient
encore, 20 ans plus
tard- et les médias
américains
étaient bien
fiers de rappeler
cette semaine quen
1997, il avait obtenu
"la marque
ultime de la célébrité":
une apparition dans
le dessin animé
Les Simpsons.
Mais
plus sérieusement,
cest sa relecture
et son rebrassage
du vaste univers
de lévolution
biologique qui lui
a valu la célébrité,
aussi bien chez
le grand public
que parmi les scientifiques.
En 1982, il publiait,
conjointement avec
le paléontologue
Niles Eldredge,
une théorie
dite des équilibres
ponctués.
Une
théorie qui
marche dans les
pas de celle de
Darwin, sur lévolution
des espèces,
mais en lui ajoutant
un petit quelque
chose: lévolution
ne serait pas quelque
chose de linéaire,
de graduel, de progressif.
Les animaux et les
végétaux
évolueraient
plutôt par
à-coups:
de brusques bonds
en avant, suivis
de longues périodes
de stagnation. Des
bonds en avant qui
peuvent être
provoqués
par un changement
climatique brutal,
une catastrophe
écologique...
ou la chute dune
météorite.
Exprimé
autrement, cest
le hasard
que Stephen Jay
Gould fait ainsi
intervenir. Un événement
totalement imprévisible,
la chute dune
météorite,
a entraîné
il y a 65 millions
dannées
la disparition des
dinosaures et a
redirigé
ainsi lévolution
biologique dans
une direction inattendue.
Résultat:
que la bestiole
intelligente daujourdhui
soit un primate
doté de lapparence
que lon sait,
relève en
bonne partie du
hasard. Lintelligence
aussi bien pu échoir,
au fil des millions
dannées,
à un reptile
ou à un autre
type de mammifère,
plus poilu, moins
grand ou, pourquoi
pas, marchant à
quatre pattes. Lhumain,
a dit Gould, est
un "accident
de lévolution".
Les
créationnistes
sen donnent
depuis à
coeur joie: les
"savants",
disent-ils, prétendent
que lévolution
est le fruit du
hasard, ce qui est
impensable, ajoutent-ils
aussitôt,
quand on considère
la complexité
de la nature et
son merveilleux
équilibre.
Or, tout ce que
Gould a dit, cest
que, parmi les milliards
de chemins quaurait
pu suivre lévolution
qui auraient
tout aussi bien
pu aboutir à
une créature
dotée dintelligence-
le chemin quelle
a suivi, le nôtre,
relevait, lui, du
hasard.
Ce
nest pas le
seul rebrassage
de la paléontologie
et de la biologie
qua provoqué
Gould. En fait,
il a irrité
plus dun de
ses collègues,
au fil de sa carrière.
Comme le rappelle
le New York Times,
le Dr John Maynard
Smith, biologiste
de lévolution
à lUniversité
du Sussex (Angleterre),
a écrit que
plusieurs biologistes
"tendent à
voir (Gould) comme
un homme dont les
idées sont
si confuses quelles
méritent
peu dêtre
prises en considération".
Il
avait, de fait,
tendance à
tirer dans plusieurs
directions à
la fois, ce
qui rendait ses
théories
si larges et si
malléables
quil en devenait
impossible de les
vérifier.
"Le mot que
jutiliserais
est exaspérant,
raconte Paul Harvey,
de lUniversité
Oxford. Chaque fois
que vous arriviez
avec une bonne règle
générale,
Steve aimait la
déchirer
avec de petites
anecdotes."
Né
en 1941 à
New York, fils dun
sténographe
judiciaire et dune
artiste, il a obtenu
son doctorat en
paléontologie
à lUniversité
Columbia, de New
York, et est devenu
professeur à
lUniversité
Harvard en 1967.
Il racontait souvent
avoir fait "ses
premiers pas vers
une carrière
de chercheur"
à lâge
de 5 ans, lorsquil
fut amené
par ses parents
au Musée
américain
dhistoire
naturelle, lequel
abritait notamment
un "terrifiant"
squelette de tyrannosaure.
A
Harvard, le coeur
de ses recherches
initiales fut...
les fossiles descargots
des Antilles. En
1977, un ouvrage
spécialisé,
Ontogénie
et phylogénie,
attira lattention
des biologistes
sur la relation,
jusque-là
laissée de
côté,
entre la façon
dont un organisme
se développe,
dans loeuf
ou dans lutérus,
et la façon
dont il évolue
au fil des millions
dannées.
Ce livre, à
lui seul, contribua
à faire naître
une nouvelle branche
de la biologie,
létude
de lévolution
et du développement.
Il
avait été
diagnostiqué
dun cancer
de labdomen
en 1982, forme rare
et jugée
incurable, qui lavait
amené à
écrire là-dessus,
à se laisser
soumettre à
des traitements
expérimentaux...
et à militer
pour lusage
de la marijuana
à des fins
médicales.
Marié
deux fois, il a
eu deux enfants
de son premier mariage.
Son
dernier livre, The
Structure of Evolutionary
Theory, publié
en mars dernier,
est une somme de
1433 pages qui rassemble
une bonne partie
de son travail des
20 dernières
années, en
même temps
que sa vision de
lévolution.
Stephen
Jay Gould est décédé
dans sa maison de
Manhattan, au milieu
de ses livres et
auprès de
sa seconde femme,
Rhonda Roland Shearer.