Il vient
même d'atteindre
un statut encore plus
privilégié:
le rat est
devenu la semaine dernière
le troisième
mammifère dont
le génome a été
"cartographié".
Après la souris
et l'humain. Une occasion
de mettre chapeau bas
devant ce petit rongeur
qui, depuis maintenant
deux siècles,
a beaucoup sacrifié
et été
sacrifié!
pour la science.
Le rat
est en effet le modèle
animal le plus fiable
que l'on connaisse pour
les maladies cardiovasculaires
humaines. Et pour le
diabète.
Et l'arthrite. Et la
haute pression. Et pour
plusieurs troubles du
comportement, du vertige
jusqu'à la dépression.
Dans tous ces domaines,
et d'autres encore,
la physiologie du rat
est suffisamment parfois,
étonnamment
similaire à la
nôtre pour en
faire un tel modèle.
Pour son
plus grand malheur.
Car des générations
de rats ont dû
subir des assauts de
produits toxiques, de
médicaments expérimentaux,
de cancers provoqués,
de gènes manipulés.
C'est grâce à
ces assauts que des
traitements anti-cancer,
anti-sida, anti-tout,
ont pu être commercialisés,
qu'on en a appris davantage
sur les mécanismes
du cerveau derrière
la toxicomanie, et que
des gouvernements ont
été obligés
de retirer de la circulation
des produits toxiques.
Même
les biologistes du comportement
préfèrent
le rat à la souris
domestique. Le rat,
ceux qui n'en ont jamais
élevé
un seront surpris de
l'apprendre, est moins
agressif que la souris:
cela est dû à
sa structure sociale
plus souple que celle
de la souris, où
un mâle alpha
monopolise les femelles.
Et le rat, expériences
à l'appui, est
plus intelligent: il
apprend plus vite et
retient ses leçons.
Il pourrait
donc paraître
étonnant que
la souris l'ait précédé
sur la pente du décodage
du génome. La
responsabilité
en revient aux généticiens
eux-mêmes qui,
à partir du début
des années 1990,
moins habitués
aux rats que leurs collègues
biologistes, ont apprécié
de la souris le fait
qu'elle se reproduise
plus vite: ce qui est
plus pratique lorsqu'on
se met à jouer
avec les gènes
et qu'on est pressé
de savoir quelle conséquence
cela aura sur la génération
suivante.
Par la
suite, à partir
du milieu des années
1990, les généticiens
se sont heurtés
à des difficultés
imprévues sur
les rats. Isoler leurs
cellules-souches d'embryons
s'est avéré
impossible, et le clonage
reste encore exceptionnellement
difficile, pour des
raisons qui demeurent
obscures. Ce n'est que
l'automne dernier qu'une
équipe française
dirigée par Jean-Paul
Renard, de l'Institut
national de recherche
agronomique, a annoncé
les premiers rats clonés.
Cette percée,
ajoutée au décodage
du génome, permettra
au rat de regagner sa
place d'honneur dans
les laboratoires.
"Les scientifiques
seront capables de choisir
leur animal en fonction
de critères biologiques
plutôt que techniques,
explique dans Nature
Howard Jacob, généticien
du rat au Collège
médical du Wisconsin.
Le fait de pouvoir comparer
les génomes du
rat et de la souris
avec celui de l'humain
fournira une base solide...
pour des maladies humaines."
Le rat
brun de Norvège
(Rattus Norvegicus),
l'espèce dont
le génome a été
séquencé,
est l'une des 300 lignées
de rats connues, et
la plus populaire des
chercheurs. La séquence
comporte 25 000 gènes,
et quelque 90% sont
communs à l'humain.
Y compris les gènes
associés, en
tout ou en partie, aux
maladies citées
plus haut et c'est
là, évidemment,
ce qui intéresse
les compagnies pharmaceutiques
qui financeront les
futurs travaux.
Le résultat
final, publié
en grandes pompes dans
la dernière édition
de la revue britannique
Nature, est le
fruit d'un consortium
international (20 institutions
dans six pays), le Rat
Genome Sequencing Consortium
(http://www.hgsc.bcm.tmc.edu/projects/rat),
sous la direction de
Richard Gibbs, du Collège
Baylor de médecine
à Houston (Texas).
Entre
autres futurs travaux:
Howard Jacob dirige
le programme PhysGen
(http://pga.mcw.edu)
qui, financé
par les National Institutes
of Health des Etats-Unis,
vise à développer
des lignées de
rats différant
spécifiquement
par un gène,
afin d'en détailler
les changements physiologiques
et les maladies caractéristiques,
s'il y en a. D'autres
travaillent à
créer des lignées
de rats chez lesquelles
on provoque des mutations
au moyen d'un composé
chimique, dans le but
de désactiver
des gènes liés
au cancer du sein.
La compagnie
allemande Ingenium Pharmaceuticals
travaille là-dessus
depuis un an, et elle
a sauvé un temps
fou, souligne Nature,
parce que les données
sur le génome
du rat ont été
déposées
au fur et à mesure
dans une base de données
publique une réalité
qui ne semblait pas
du tout évidente
au temps, pas si lointain,
de la concurrence entre
privé et public
pour le décodage
du génome humain.
La génomique
est peut-être
devenue adulte...