Page d'accueil

L'événement de la semaine


Pour tout trouver sur Internet


Tous les médias en un clin d'oeil


Nos nouvelles brèves
  
  


Plus de 1500 questions





Hommage à...
Le monde delon GOLDSTYN
Dossiers
Promenades






semaine du 4 avril 2005



Quand la religion se mêle de science

Aimeriez-vous vivre dans un pays où, pour ne pas déplaire à une minorité bruyante, les enseignants s'auto-censurent, les cinémas ne diffusent pas certains films et les pharmaciens boycottent certains produits? S'il s'agissait de censure à saveur politique, les médias seraient déjà montés aux barricades. Mais comme c'est de la science...

Que pensez-vous de cette nouvelle?
Discutez-en dans le forum Science-Presse/Médito

 

Trois nouvelles à ce sujet, toutes trois à saveur politico-scientifico-religieuse


1. Imax rejette l'évolution

La nouvelle la plus délirante des trois, c'est celle des cinémas Imax. Reculant devant la force de frappe des créationnistes, une douzaine de cinémas Imax situés aux Etats-Unis ont décidé de ne pas présenter des films tels que Cosmic Voyage, Galapagos –les îles où tout a commencé pour Charles Darwin– et Volcanoes of the Deep Sea –un documentaire consacré à ces volcans sous-marins qui offrent des modèles de la façon dont la vie a probablement commencé sur notre planète.

La nouvelle apparaît délirante, mais en même temps inquiétante, puisque certains de ces cinémas Imax sont situés... dans des musées de science! Si même eux reculent devant le lobby créationniste et ses partisans aussi bruyants qu'incultes, c'est que le phénomène a atteint une ampleur insoupçonnée.

Interrogé par le New York Times le 19 mars, le directeur du marketing du Musée de la science et de l'histoire de Fort Worth (Texas) a justifié la décision de son établissement par des réponses hostiles au film Volcanoes of the Deep Sea recueillies lors d'un visionnement: "Je déteste quand la théorie de l'évolution est présentée comme un fait", a déclaré l'un des spectateurs.

Un distributeur du film a reconnu que celui-ci avait été refusé ailleurs pour des raisons semblables: "raisons religieuses" ou bien "ne passera pas bien dans la communauté chrétienne".

Dès la parution de l'article du Times, le quotidien local de Fort Worth a reçu des dizaines de lettres de lecteurs scandalisés par cette décision de leur musée ("qu'est-ce qui viendra après? La Société de la Terre plate va avoir le droit de choisir les films?"). Le 24 mars, le Musée annonçait qu'il revenait sur sa décision.


2.Les profs de science rejettent l'évolution

Cette nouvelle-là est la plus ancienne des trois, mais elle est ressortie la semaine dernière, alors que divers commentateurs et blogueurs s'étonnaient de la montée en puissance des créationnistes: 31% des profs de science s'auto-censurent, a rappelé le columnist du New York Times: plutôt que de risquer de faire naître une controverse avec des parents qui croient dur comme fer au récit de la Genèse, ils évitent de parler d'évolution dans les cours de biologie! (voir notre texte du 28 février, L'ignorance au pouvoir).

Au fil des années, on a vu diverses tentatives des créationnistes américains être rejetées: ainsi, ils n'ont pas le droit d'imposer leur enseignement dans les écoles publiques, parce que cet enseignement a été qualifié de religieux par les tribunaux, et que la séparation de l'Eglise et de l'Etat est étanche au pays de George Washington. Mais rien ne les empêche de mener des campagnes politiques et de faire parler d'eux sur toutes les tribunes –avec pour résultat, entre autres, que des partisans de la droite religieuse se font élire sur les conseils scolaires et réussissent à faire coller des avertissements sur des manuels de biologie.

Parfois, quand cela n'implique pas de devoir affronter les parents, les profs de science réussissent tout de même à protester: comme au Kansas, où les biologistes ont annoncé qu'ils boycotteront, en mai, les audiences publiques du Bureau de l'éducation, qui vont entériner, affirment les scientifiques, l'enseignement de la théorie du "design intelligent" –un maquillage pseudo-scientifique pour la thèse créationniste.


3. Les pharmaciens régressent

Un pharmacien n'a-t-il pas le devoir sacré de servir un patient? C'est en tout cas ce que dit son Ordre professionnel. Mais pas si la prescription va à l'encontre de ses croyances religieuses, ont décidé certains pharmaciens.

Le Washington Post soulignait à la Une de son éditon du 28 mars qu'un nombre croissant de pharmaciens refusent carrément de servir des patients –surtout des patientes– dont la prescription contient des choses telles que la pilule du lendemain ou même la pilule anticonceptionnelle. La nouvelle a rapidement (re)fait le tour des Etats-Unis, notamment à l'émission matinale du réseau CBS, où on a ainsi pu apprendre que, mine de rien, la chose est déjà devenue légale dans au moins trois Etats américains, et est à l'étude... dans 26 autres!

Est-il besoin de le préciser, la pilule anticonceptionnelle est légale aux Etats-Unis (la pilule du lendemain aussi, mais en revanche, sa vente n'est pas possible sans prescriptions dans la plupart des États).

Un pharmacien pourrait-il faire l'objet de poursuites judiciaires pour avoir refusé de vendre ces produits? Pas dans les trois États mentionnés plus haut. Une association internationale pour les défendre existe déjà: Pharmacists for Life, et un de ses objectifs est justement d'amener des politiciens à voter de telles lois, qui donneront aux pharmaciens le droit de refuser de vendre des médicaments (un groupe de critique des médias, Media Matters, s'intéresse à ce groupe sur cette page).

Refus de vendre des médicaments, non pas parce qu'ils jugent que ces médicaments mettent en danger la vie d'une personne, mais en raison de leurs croyances personnelles.

"Il y a des pharmaciens qui vont donner la pilule à une femme seulement si elle est mariée, lit-on dans l'article du Post. Il y a des pharmaciens qui croient que la contraception est une forme d'avortement. Il y a même des cas de pharmaciens qui vont retenir des prescriptions en otage, refusant de la transférer à une autre pharmacie, alors que le facteur temps est primordial."


Quand les extrémistes se mêlent de science

Où cela s'arrêtera-t-il, questionne le columnist Paul Krugman, du New York Times. On s'inquiète souvent de la montée en force d'intégristes musulmans dans des pays où ils sont largement minoritaires, comme la France ou les Pays-Bas. Mais "c'est également vrai des Etats-Unis, où de dangereux extrémistes appartiennent à la religion majoritaire et au groupe ethnique majoritaire, et détiennent une grande influence politique".

Le problème, c'est que ces trois nouvelles -Imax, les profs de science et les pharmaciens- appartiennent à la sphère scientifique, et c'est peut-être la raison pour laquelle elles ont échappé jusqu'ici aux écrans radar des médias, considérant la place mineure qu'occupe la science dans les médias. Mais ils ne sont que la pointe de l'iceberg d'une réalité plus profonde, l'ascension d'un hyper-conservatisme extrêmement motivé et sourd à toute forme de compromis.

"Le plus proche parallèle auquel je puisse penser, poursuit Krugman, c'est Israël. Il fut un temps, il n'y a pas si longtemps, où les modérés israéliens sous-estimaient la croissance des extrémistes religieux. Mais plus maintenant: ces extrémistes ont déjà tué un premier ministre, et tout le monde est conscient qu'Ariel Sharon est à risque.

"L'Amérique n'est pas encore un endroit où des politiciens libéraux, et même des conservateurs qui ne suivent pas assez la ligne dure, craignent l'assassinat. Mais à moins que les modérés ne prennent position contre le pouvoir croissant des extrémistes sur leur propre sol, cela peut se produire ici."

Pascal Lapointe

 

 

En manchette la semaine dernière:
Si vous n'aimez pas votre code génétique, réécrivez-le!

A lire également cette semaine:
La retraite de la navette

Le trou noir existe, je l'ai créé

Guerre contre les OGM: la première manche aux écologistes (suite)

Une protéine contre l'obésité

Une protéine contre le cancer

Et plus encore...


Archives des manchettes




 
Accueil | Hebdo-Science | plan du site