George W. Bush a dû en faire une syncope: 
                      pas moins de 50 élus républicains l'ont défié, 
                      en votant le 24 mai pour un projet de loi qui autoriserait 
                      l'injection de financement fédéral dans la 
                      recherche sur les cellules-souches. La résolution 
                      est passée sur le plancher de la Chambre des représentants 
                      par 238 votes contre 194 et 
                      sera donc envoyée au Sénat pour devenir loi. 
                    
                    Ses partisans affirment avoir assez d'appuis 
                      au Sénat. Certes, encore 
                      faudra-t-il, ensuite, que le président n'y appose 
                      pas son veto. Mais la pression de l'opinion publique, 
                      de certains Etats, dont la Californie, et à présent 
                      de son propre parti, met de 
                      plus en plus de cartes dans le jeu des partisans des cellules-souches. 
                    
                    Rappel: une cellule-souche est une cellule 
                      qui ne s'est pas encore spécialisée (au contraire 
                      des cellules cardiaques, pulmonaires, celles de la peau, 
                      du sang, etc.). Bien qu'on en trouve chez les adultes, les 
                      plus prometteuses sont celles des embryons, quelques jours 
                      après la rencontre du spermatozoïde et de l'ovule, 
                      alors que l'embryon n'est encore qu'un amas d'une centaine 
                      de cellules. 
                    
                       
                        | Or, depuis près d'une décennie que 
                            les cellules-souches ont surgi dans l'actualité, 
                            elles ne peuvent être financées, aux 
                            Etats-Unis, que par le secteur privé: les subventions 
                            fédérales ne peuvent être accordées 
                            à des recherches sur l'embryon.  Une position qui se défendait à l'époque 
                            où le mot "cellule-souche" n'était employé 
                            que par une poignée d'initiés. Mais 
                            au fil des ans, alors que leur potentiel médical 
                            est devenu de plus en plus intéressant, le 
                            débat a pris une teinte plus acrimonieuse: 
                            on ignore toujours s'il serait vraiment possible de 
                            cultiver en éprouvette des cellules-souches 
                            pour leur "ordonner" de se transformer en poumon, 
                            en rein, en peau. Mais pour le savoir, il faut mener 
                            des recherches, et sans les fonds fédéraux, 
                            ces recherches sont singulièrement limitées. 
                           Pour arriver un jour, peut-être, à fabriquer 
                            soi-même des cellules-souches en laboratoire, 
                            il 
                            faut en effet commencer par comprendre ce qui se passe 
                            au niveau moléculaire quand une cellule-souche 
                            devient autre chose. Ce genre de recherche prend 
                            du temps, et l'entreprise privée n'aime pas 
                            les recherches qui prennent beaucoup de temps et dont 
                            les résultats sont par trop incertains.  | Lire 
                            aussi:  Californie 
                            - Les cellules-souches narguent Bush (4.11.2004) 
                             Et 
                            les pieds-de-nez se multiplient dans d'autres États 
                            (3.2.2005)  ***************** Ne 
                            dites pas clonage, dites... (2.9.2004)  Débat: 
                            quel espace reste-t-il aux cellules-souches (14.8.2001) 
                             Les 
                            cellules-souches: pas 60, George, mais 25 (10.9.2001) | 
                    
                    Le débat a vraiment pris une allure 
                      bizarre au cours du premier mandat du président républicain 
                      George W. Bush, lorsque celui-ci a déclaré 
                      que les seules recherches autorisées le seraient 
                      sur les lignées de cellules-souches déjà 
                      existantes dans le monde. Un peu comme si l'astronomie avait 
                      jadis décidé qu'elle ne se concentrerait plus 
                      que sur les étoiles déjà connues. 
                    De bizarre, le débat est devenu intenable: 
                      le 9 août 2001, l'administration Bush avait mentionné 
                      le chiffre de 70 lignées de cellules-souches. Ce 
                      total est passé, après vérification, 
                      à... 22! Et l'an dernier, des scientifiques ont établi 
                      que beaucoup de ces lignées avaient été 
                      contaminées en laboratoire par des cellules animales. 
                    
                    Le débat ne pouvait que rebondir, tôt 
                      ou tard, à Washington. Mais on ne l'attendait pas 
                      aussi tôt et surtout, les scientifiques ne s'attendaient 
                      pas à ce qu'autant de républicains retournent 
                      leur veste. Un 
                      intense lobbying de dernière minute a eu un impact. 
                      Mais le récent clonage des Sud-Coréens a lui 
                      aussi eu son effet: il démontre l'avance que ce pays 
                      est en train de prendre dans ce secteur de la recherche. 
                      Pour le meilleur et pour le pire.
                    Pascal Lapointe