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semaine du 30 mai 2005



Grippe du poulet: la menace fantôme

Vous en avez assez d'entendre parler de la grippe aviaire? Si la tendance se maintient, ça ne fait que commencer. Avec des malades qui pourraient se compter par dizaines de millions, la facture future pourrait varier entre 10 et 20 milliards$... rien qu'au Canada! Et tout ça parce que, sept ans après la première alerte, on n'a pas fait grand-chose pour s'y préparer.

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Sommes-nous prêts? demandent les responsable de la santé de plusieurs pays du monde. Et la réponse est sans équivoque: Non. Pour deux raisons:

  • Pas assez d'antiviraux en réserve dans les principaux pays, en particulier les Etats-Unis; les antiviraux pourraient freiner cette maladie le temps de mettre au point un vaccin.
  • Et pas assez de volonté politique pour garantir la mise au point rapide d'un vaccin contre la grippe aviaire.

Cette grippe, codée H5N1, pourrait-elle vraiment se transformer en une épidémie chez les humains, comme la grippe espagnole des années 1918-19? Il faut pour cela remplir trois conditions:

1) Il faut d'abord que le virus qui frappe les volatiles (poulet, volaille, etc. et aujourd'hui les oiseaux) puisse aussi se transmettre aux humains. C'est chose faite, et depuis longtemps: sept décès sont survenus à Hong Kong en 1997. Le virus a ensuite resurgi en 2003: depuis, on a recensé 53 morts au Vietnam, en Thaïlande et au Cambodge.

2) Il faut que le virus puisse se transmettre d'humain à humain: depuis le 6 mai dernier, l'Organisation mondiale de la santé a confirmé que les premiers cas vietnamiens soupçonnés s'étaient bel et bien transmis le virus; et que cette transmission était peut-être plus fréquente qu'on ne le craignait. Autrement dit, les responsables de la santé prennent pour acquis que d'autres cas de transmission entre humains ont dû se produire, qui ont échappé aux écrans radars.

3) Il faut enfin que le virus soit suffisamment virulent (par exemple, qu'il puisse se transmettre par un simple éternuement) pour se répandre à grande échelle. A l'heure actuelle, ce n'est pas le cas du H5N1. Reste qu'avec les transports aériens actuels, pas mal plus nombreux qu'en 1918, ce ne sont pas les opportunités qui vont lui manquer pour muter.

La grippe espagnole avait tué 50 millions de personnes. Au cours du XXe siècle, deux autres pandémies de grippes d'origine aviaire (en 1957 et 1968) ont frappé, quoique beaucoup moins violemment. Le scénario d'une épidémie de grippe aviaire n'est donc pas un scénario d'Hollywood: statistiquement, c'est notre tour.

La seule chose qu'on ignore, c'est s'il aura la virulence de 1968 (750 000 morts) ou de 1918 (entre 20 et 40 millions de morts). Une épidémie américaine de type "moyen", selon le Centre de contrôle des maladies d'Atlanta: 207 000 morts aux Etats-Unis et trois quarts de millions de personnes à l'hôpital, pour une facture oscillant entre... 71 et 188 milliards de dollars!

"A moins que la communauté internationale ne bouge significativement pour contrecarrer cette menace, nous allons tous en payer le prix lourd d'ici quelques années", écrit la revue Nature dans l'éditorial de son édition du 25 mai spécialement consacrée à cette menace.

Il y a des années que la communauté scientifique lance cette alerte, et les sceptiques ont beau jeu de prétendre qu'elle crie au loup: après tout, les services de santé ont fait des bonds de géant depuis 1918. Faux optimisme, réplique Nature: "bien que la science et la médecine de la grippe aient progressé, notre capacité à mettre sur pied une réponse de santé publique efficace a fait étonnamment peu de progrès". Et c'est sans compter le facteur humain: "le potentiel de panique est beaucoup plus grand, compte tenu de l'impact de la télévision et d'Internet".

Par ailleurs, le fait que les scientifiques lancent l'alerte alors que rien ne s'est encore produit ne signifie pas qu'ils crient au loup: c'est simplement le signe que nos méthodes de surveillance des pandémies animales ont progressé depuis 1918. A cette époque, on ne les voyait pas venir; aujourd'hui, oui.

A lire sur ce sujet:

Le retour du retour du retour de la grippe du poulet (16.8.2004)

La grippe du 21e siècle: menace ou non? (9.2.2004)

L'incompétence politique (2.2.2004)

La grippe du poulet: grosse nouvelle, petit virus (5.1.1998)


Que faudrait-il faire pour être mieux préparés?

1) D'abord, davantage de coordination internationale. L'Organisation mondiale de la santé a beau être le seul organisme dont on entend parler, une importante partie du travail retombe sur les épaules de l'Organisation des Nations Unies pour l'agriculture et l'alimentation et de l'Organisation mondiale pour la santé animale. Or, leurs efforts communs sont mal coordonnés, sous-financés et minés par des enjeux de souveraineté nationale: le cas le plus patent est celui de la Chine, qui ne fournit de l'information qu'avec de grandes réticences.

2) Ensuite, il faut suivre à la trace les cas de grippes aviaires, afin de connaître, en temps voulu, la composition génétique exacte du coupable. Car pour mettre au point un vaccin, il faut savoir contre qui on le met au point: toutes les variétés de virus de grippe, des plus bénignes aux plus dangereuses, subissent continuellement des mutations, de sorte qu'un vaccin contre l'une serait inefficace contre l'autre. Or, ce travail de suivi génétique n'existe pour ainsi dire pas: il n'y a aucun financement international à cette fin qui soit destiné aux pays d'Asie du Sud-Est.

3) Enfin, il faudrait produire suffisamment de médicaments antiviraux pour contrecarrer la progression de la maladie, le temps que soit mis au point un vaccin. Le Québec et la France font partie des exemples à suivre, avec des doses capables de protéger respectivement 20% et 25% de leurs populations. Les Etats-Unis font figure de cancres, avec 1%, et le gouvernement se fait régulièrement taper sur les doigts, aussi bien par les autorités sanitaires que par le Vérificateur général.

Mais ça, c'est parmi les pays riches: en Asie, les services de santé de certains pays, dont la Chine, n'ont ni les ressources humaines ni l'industrie nécessaire pour déclencher une production massive d'antibiotiques. Et les aides internationales sont carrément insuffisantes. Or, ce sont ces pays qui risquent de se retrouver en première ligne lorsque la guerre se déclenchera...

Si la grippe aviaire met encore cinq ans avant de se transformer en pandémie, et si les gouvernements mettent de la pression, l'industrie pharmaceutique aura assez de temps pour stimuler sa production de médicaments et de vaccins. Mais il faut s'y mettre dès maintenant: rien que la mise au point du premier vaccin, à lui seul, nécessite au moins six mois.

Pascal Lapointe

 

 

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