Il y a trois ans, le débat faisait
rage: d'un côté, des compagnies privées
qui s'étaient lancées dans le décodage
de plusieurs génomes ou l'avaient même
complété, comme le génome humain, dès
2000 et en gardaient jalousement les données
les plus intéressantes. De l'autre, ceux qui criaient
au viol du patrimoine naturel, voire à l'irresponsabilité,
s'il devait s'avérer que certaines de ces données
génétiques ne renferment des promesses de
médicaments.
Depuis, le chef de file de ces compagnies
privées, Celera Genomics, a baissé les bras:
il s'est retiré de la course, avouant qu'en fin de
compte, le secteur n'était pas aussi lucratif qu'il
l'aurait souhaité. Sous la pression, de plus en plus
de séquences génétiques "brevetées"
ont été rendues publiques. Et les autres décodages,
ceux qui étaient financés par les contribuables,
ont, eux, poursuivi leur petit bonhomme de chemin.
Ainsi, avec trois ans d'avance sur l'horaire prévu,
le consortium international du génome du riz
vient de publier le séquençage du génome
du plant de riz qui constitue 30% du régime
alimentaire mondial de la planète, selon les
Nations Unies, devant le blé (19%) et le maïs
(5%). La longue liste de données est parue
dans la dernière édition de la revue
britannique Nature.
Mieux encore, la méthode choisie pourrait
devenir la norme pour les futurs décodages:
bien que l'équipe internationale (10 pays)
ait choisi une procédure qui prenait davantage
de temps que celle recommandée à l'époque
par le secteur privé, elle est arrivée
à des résultats beaucoup plus complets.
Par conséquent, assure-t-on, ces résultats
seront beaucoup plus susceptibles de servir aux biologistes
qui rêvent de créer des plants de riz
plus résistants aux maladies donc, assurant
un meilleur rendement, à l'heure où
la population mondiale s'achemine vers les 7 milliards.
|
A
voir aussi sur ce sujet:
Le
riz est-il un secret d'État?
(8 avril 2002)
Le
génome qui se mange (29 janvier 2001)
Le
site officiel
du Projet international de séquençage
du génome du riz
|
Le Projet international de séquençage
du génome du riz avait même craint, en
2002, que les gouvernements n'interrompent leur financement,
après
le succès proclamé par les deux consortiums
privés: ceux-ci avaient en effet publié une
"carte" du génome du riz, jugée à l'époque
assez complète.
L'importance du riz comme aliment a manifestement
fait pencher la balance en faveur de la poursuite du projet
international. Mais aussi le fait que les technologies employées
pourront servir pour les autres céréales:
non seulement le riz est-il génétiquement
cousin du blé et du maïs, mais en plus, son
génome est plus dense, avec "seulement" 400 millions
de paires de base, contre un étonnant 3,2 milliards
pour le maïs. En d'autres termes, le riz était
plus "facile" à décoder que ne le sera le
maïs (dont le décodage est en cours)...
Par ailleurs, témoignage d'un certain
échec du secteur privé dans son désir
de breveter les gènes, même la compagnie suisse
Syngenta, l'une des responsables des décodages privés
de 2002, a fini par rendre publique ses données.
Mais le Japon, à lui seul, a aussi
joué un rôle déterminant dans cette
histoire: son gouvernement, l'un des 10 membres du consortium,
a dépensé depuis 1998 quelque 100 millions$
pour séquencer 55% du génome du riz.
La moitié des autres pays participants
sont en Asie, un fait assez exceptionnel dans cette vaste
entreprise de décodage des génomes depuis
les années 1990: la Chine, l'Inde, la Thaïlande,
Taïwan et la Corée du Sud. Les autres sont les
États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et le Brésil.
Pascal Lapointe