Ce qu'ils n'ont pas fait
1) Les chercheurs sud-coréens
n'ont pas cloné un humain. Ils ont cloné
des cellules.
2) Ces cellules n'ont pas dépassé
l'âge de six jours et l'auraient-elles dépassé
qu'on n'est même pas sûr qu'elles auraient
été viables.
3) Ces cellules n'ont pas engendré
de cellules-souches, but ultime de toutes ces recherches
sur le clonage.
Ce qu'ils ont fait
1) Ils ont créé 11 amas
de cellules -ils hésitent à utiliser le
mot embryons, on verra plus loin pourquoi- qui
sont les doubles génétiques, donc les clones,
de patients malades ou décédés.
2) Ils ont réussi leur coup près
d'une fois sur 20, alors que pour la seule et unique tentative
réussie, l'an dernier, il leur avait fallu plus
de 200 essais.
Comment l'ont-ils fait
Rien d'exceptionnel dans le processus puisque
c'est le même que celui qui a conduit au clonage de
la brebis Dolly en 1996, et à toutes les expériences
réussies de clonage depuis ce temps: on prend un
ovule, on le vide de son matériel génétique,
que l'on remplace par le matériel génétique
de la personne à cloner; l'ovule est ensuite stimulé
chimiquement pour qu'il commence à se diviser (plutôt
que d'être fécondé par un spermatozoïde,
sans quoi on aurait un mélange des gènes de
deux individus).
Au bout de six jours, l'ovule a atteint le stade
dit du blastocyte, stade
où on pourrait en théorie cueillir des
cellules-souches pour s'en servir à notre guise.
Ayant été stimulé chimiquement,
plutôt que fécondé, personne ne
peut dire si cet amas de cellules aurait pu devenir
un embryon viable. C'est pourquoi les scientifiques
préfèrent parler d'amas de cellules
plutôt que d'embryon.
Ce qui est nouveau ici, "spectaculaire", suivant
l'expression d'au moins un observateur, c'est le taux
de réussite. L'an dernier, l'équipe
dirigée par le vétérinaire Woo
Suk Hwang et le gynécologue Shin Yong Moon,
de l'Université nationale de Séoul,
avait dû s'y reprendre plus de 200 fois avant
de réussir un seul clonage de cellules.
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La Grande-Bretagne suit la Corée
Peut-être parce
que l'annonce est survenue 24 heures plus tard, les
médias ont accordé beaucoup moins de
place à ces chercheurs britanniques qui ont
eux aussi annoncé,
vendredi, avoir cloné des cellules humaines.
Dans trois cas, ils auraient obtenu un amas de cellules
-eux aussi hésitent à dire embryon-
qui serait le clone des cellules de patients. Deux
ont vécu pendant trois jours et un, pendant
cinq jours.
L'expérience,
réalisée à l'Université
Newcastle et publiée dans le journal en ligne
Reproductive and BioMedicine, a nécessité
des ovules de 11 femmes, ce qui suggérerait
un taux de succès au moins aussi élevé
que celui de l'équipe sud-coréenne.
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Pourquoi l'ont-ils fait
Avec un taux de réussite de un sur
20 ils ont perfectionné leur technique et surtout,
ont ciblé des ovules de femmes plus jeunes
on peut envisager la possibilité d'engendrer des
lignées de cellules-souches à partir du code
génétique d'une personne précise. Le
jour où on aura ces cellules-souches, ne restera
plus qu'à découvrir la recette pour leur ordonner
de se transformer en l'organe dont cette personne aura besoin
-foie, poumon, rein, peau- ou même en un groupe précis
de cellules -celles qui produisent de l'insuline, par exemple.
Autrement dit, on aurait atteint le stade
où on pourrait cloner
des organes ou des tissus sur mesure. C'est là
le but de toutes ces recherches sur le clonage.
C'est évidemment un gros pas à
franchir, peut-être plus gros encore que celui qui
vient d'être franchi. Mais l'an dernier, après
la percée des mêmes Sud-Coréens, et
devant le taux d'échec énorme auquel ils faisaient
face, les plus pessimistes disaient qu'il pourrait s'écouler
deux décennies avant qu'on n'atteigne un taux de
réussite de un sur 20.
Cloner un humain?
Le but de Hwang et de ses collègues
n'est donc pas de cloner une personne, mais de cloner des
cellules à partir desquelles leurs successeurs pourront
éventuellement travailler. Mais leur percée
pourrait-elle être utilisée pour cloner des
humains? En théorie, oui. La même question
avait été posée l'an dernier, et la
réponse demeure la même: en théorie,
oui. Jusqu'à preuve du contraire, chaque percée
rapproche de cette possibilité, même s'il reste
sûrement sur la route des obstacles dont personne
n'a encore idée.
Auraient-ils pu faire cette expérience
dans d'autres pays?
Oui, mais pas aux Etats-Unis, du moins pas
dans des laboratoires financés par l'Etat. Uniquement
dans des laboratoires financés par le privé.
La revue Science, qui a publié la percée
sud-coréenne de l'an dernier et
celle-ci, avait dénoncé cet état
de fait en éditorial, il y a un an (http://www.sciencepresse.qc.ca/archives/2004/cap1503045.html).
Pascal Lapointe