Sur la sellette, Michael Mann, Raymond Bradley
et Malcom Hughes qui, à la fin des années
1990, ont contribué à ce qui reste, aujourd'hui
encore, deux des études les plus significatives sur
le réchauffement climatique: on y lisait que la décennie
en train de s'achever était l'une des plus chaudes
depuis un millénaire.
Le graphique accompagnant cette étude
est devenu un symbole des environnementalistes: il est appelé
le graphique "bâton de hockey", parce que les températures
moyennes qu'il est censé décrire restent relativement
stables pendant la majeure partie du millénaire,
avant de grimper au cours du dernier siècle.
Depuis, ce graphique a été nuancé:
on a par exemple souligné, en
février dernier, que les températures
avaient davantage fluctué au cours du dernier
millénaire que ce que laissaient supposer les
premiers chiffres. Mais l'idée générale
demeure: la hausse des 50 dernières années
est plus rapide que tout ce que l'humanité
a connu depuis le Moyen âge.
Or, les nuances ne suffisent pas pour les enviro-sceptiques.
Là où d'aucuns voient des nuances, eux
voient une porte par laquelle s'engouffrer. Ce qu'ils
recherchent, c'est désormais une culpabilité
par association: si l'étude-bâton-de-hockey
devait s'avérer viciée à la base,
c'est toute la recherche sur le réchauffement
planétaire qui serait viciée à
la base, proclament-ils.
Et c'est dans cette perspective qu'à la fin-juin,
le représentant républicain Joe Barton,
qui est aussi président du Comité de
la Chambre sur l'énergie et le commerce, a
envoyé une lettre aux trois chercheurs mentionnés
ci-haut. Il y demande des détails sur l'ensemble
de leurs carrières, incluant:
|
A
lire aussi:
Sur
les manipulations
de la science au profit des pétrolières
(juin 2005)
Sur
les protestations
de la communauté scientifique face à
ces manipulations (janvier 2004)
Sur
le pseudo-journaliste Steven
Milloy, bête noire des écologistes
Sur
Michael Crichton, dont le roman
a été accueilli à bras ouverts
par les enviro-sceptiques
|
- les CV détaillés
- leurs sources de financement pour toute étude
menée dans le passé sur le climat
- les ententes à la base de toutes ces sources
de financement
- un répertoire des données archivées,
incluant les calculs et les codes informatiques utilisés
Les demandes surviennent certes dans un contexte
où la communauté scientifique elle-même
admet qu'il lui faut se doter de normes plus strictes sur
les conflits d'intérêt: dans le domaine médical
en particulier, de plus en plus de revues, comme le New
England Journal of Medicine, exigent que soient mentionnées
les sources de financement des études publiées.
Mais ces nouvelles normes valent pour tout
le monde. Ce qui n'est pas le cas du Comité du congrès:
celui-ci ne semble pas intéressé à
scruter avec la même attention l'implication de la
multinationale pétrolière ExxonMobil: dans
son édition de mai, le magazine américain
Mother
Jones
révélait que celle-ci avait dépensé,
entre 2000 et 2003, huit millions de dollars pour financer
40 "détracteurs" du réchauffement planétaire.
Ces groupes (de chercheurs, de commentateurs,
et même un journaliste, Steven Milloy), "tentent
d'ébranler le large consensus sur le réchauffement
planétaire à travers une campagne de désinformation
utilisant des "rapports" conçus pour avoir l'allure
d'un contre-argument aux études révisées".
Des scientifiques ont réagi au ton
agressif de la lettre du représentant républicain,
la qualifiant de tentative d'intimidation. Thomas Crowley,
de l'Université Duke, dont les modélisations
climatiques appuient celles des trois chercheurs sur la
sellette, se demande jusqu'où de telles exigences
pourraient aller: "par exemple, il pourrait être demandé
aux paléontologues et aux biologistes moléculaires
appuyant l'évolution toutes leurs données
et tous leurs fichiers", écrit-il dans le bulletin
de l'Union géophysique américaine. L'Association
américaine pour l'avancement des sciences (AAAS),
le nouveau président de la National Academy of Sciences
et quelques autres ont, plus tôt ce mois-ci, donné
leur appui aux trois scientifiques visés.
A l'inverse, un des rares scientifiques à
se mettre en valeur dans le clan des enviro-sceptiques,
Myron Ebell, du Competitiveness Enterprise Institute,
appuie le représentant Joe Barton: "nous avons toujours
voulu mettre cette science en procès", se réjouit-il
en entrevue à la BBC. Ce qu'il ne dit pas, et que
révèle le dossier de Mother Jones,
c'est que, des 40 groupes financés par ExxonMobil,
le Competitiveness Enterprise Institute est celui
qui a reçu la plus grosse somme (1 400 000$).
.
PRÉOCCUPÉS D'ÉCOLOGIE?
VISITEZ LE
KIOSQUE ENVIRONNEMENT