Agence Science-Presse) - Le graphique en forme de bâton de hockey suscite à nouveau la controverse. Les sceptiques du réchauffement ont déclenché ces dernières semaines une nouvelle éruption de messages dans la blogosphère... et une nouvelle éruption de boutons chez les climatologues!

La blogosphère est-elle bien adaptée à une discussion scientifique? D'un côté, un blogueur fort populaire dans le camp des négationnistes, le statisticien canadien Stephen McIntyre qui, sur la base de données obtenues après des années d'attente, affirme que le célèbre « graphique-bâton de hockey », serait appuyé sur un échantillon biaisé de troncs d’arbres. On appelle ainsi ce graphique qui montre une température à peu près stable (donc, une ligne à peu près droite) pendant le dernier millénaire, et s'achève par une hausse subite au cours du dernier siècle — d'où la forme d'un bâton de hockey couché.

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Dans l'autre camp, des scientifiques qui lui répliquent en pointant de nombreuses autres études et de nombreux autres groupes de données qui, tous, arrivent aussi à un graphique en forme de bâton de hockey.

Dans le monde de la publication scientifique et des comités de révision par les pairs, on aurait eu là le point de départ d'un débat. Mais si le camp des sceptiques a donné une énorme visibilité aux billets de McIntyre, celui-ci n'a fait aucun cas des appels à un débat, lui reproche, entre autres, le climatologue britannique Thomas Crowley:

Pourquoi ne pas faire de la science et la publier, plutôt que de pointer des études du doigt, se servir de la blogosphère pour amplifier ou transformer vos découvertes dans une sorte de circuit fermé qui n'aide en rien à faire avancer la connaissance? (...) Remarquez qu'il (McIntyre) ne publie jamais une alternative qu'il croit meilleure aux modèles, parce que cela impliquerait le risque qu'il soit critiqué. Il se contente de pinailler chez les autres.

C'est un scénario répétitif et lassant, intervient Gavin Schmidt, le 30 septembre, sur le blogue collectif Real Climate :

La chronologie de ces mini-tempêtes dans la blogosphère est toujours la même. Une accusation non vérifiée de malhonnêteté, qui ne s'appuie sur rien, est instantanément « télégraphiée » à travers la blogosphère des négationnistes, tout en étant embellie en cours de route... Les protagonistes habituels s'excitent à l'idée que le « canular » ait finalement été révélé et s'autocongratulent. Après un moment, il devient clair qu'aucun édifice scientifique n'a été ébranlé et la recherche du « vrai » problème se poursuit. Effet net sur le grand public? Confusion. Effet net sur la science? Zéro.

Dans sa dernière réplique envoyée au journaliste du New York Times, Stephen McIntyre ne montre non seulement aucune volonté de dialoguer, il continue en fait de tirer sur la même cible:

Comme je vous l’ai mentionné, au moins certains scientifiques de haut niveau dans ce domaine acceptent (quoique sans vouloir être nommés) la validité de nos critiques… Si cette vision est correcte et je crois qu’elle l’est, alors critiquer des modèles suremployés est sûrement « constructif ».

La discussion ressemble donc davantage à deux monologues, l’un proposant avec chaque jour qui passe de nouvelles études, de nouvelles données, de nouvelles pistes de recherche, l’autre critiquant les zones d’ombre sans rien proposer de neuf. L’impact sur la science est nul, mais l’impact sur la crédibilité de la blogosphère pourrait bien être néfaste.

Pascal Lapointe

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