Anarchy_Online.jpg
Pour survivre sur Rubi-Ka, il faut savoir se battre, mais aussi rivaliser de ruse. Tous les adeptes de jeux en ligne auront reconnu la planète futuriste d’Anarchy Online, le premier MMO (Massively Multiplayer Online Games) basé sur un univers de science-fiction. Ils savent aussi que dans cet environnement virtuel... il existe des zones où tout est permis!

« Pour jouer, il ne faut pas toujours suivre les règles. Se jouer des règles permettrait de faire évoluer le jeu de manière créative », soutient Maude Bonenfant, postdoctorante au TAG (Technoculture, Art and Games) de l’Université Concordia et coordonnatrice du Groupe de recherche Homo Ludens de l’Université du Québec à Montréal.

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

La raison du plus fort serait-elle celle du plus rusé? Un colloque présenté dans le cadre du récent congrès de l’ACFAS, La ruse, entre la règle et la triche, tentait de répondre à cette question en nous plongeant dans l’univers des jeux vidéo comme dans la littérature.

Car lorsqu’Ulysse commande à ses hommes de l’attacher au mât afin de pouvoir, sans danger, écouter le chant des sirènes, le héros de l’Odyssée s’avère plus rusé que tricheur.

« C’est la ruse de la raison, identique à l’outil du travailleur, qui lui permettra de raconter son expérience », assure même Marie Daney de Marcillac, agrégée de littérature moderne à l’École Normale Supérieure (France).

Ruser n’est pas tricher

Les MMO, jeux en ligne très populaires, associent les jeux de rôle — les anciens Donjons et Dragons — et les plateformes en ligne. L’objectif est de faire progresser son personnage au sein du jeu par l’acquisition, par exemple, de points d’expérience.

Dans cet univers persistant, mais virtuel, de très nombreux joueurs interagissent et combattent, grâce à des avatars qui doivent obéir à des règles établies. « Toute existence nécessite des règles. C’est le fondement de toute activité, même ludique », relève Fabien Dumais, doctorant en communication de l’UQÀM.

Ces règles du jeu doivent être vivantes pour perdurer. Et la ruse et la triche sont des manières d’agir sur elles. Alors que la ruse se fait en respectant les règles – ce qui exige une grande expérience du jeu — la triche se ferait dans leur transgression.

« C’est comme au poker. La ruse fait partie du jeu, c’est une manière d’anticiper les règles contrairement à la triche, généralement refusée par les autres participants », affirme même Maude Bonenfant.

Lorsque se déploie le jeu, les plus rusés vont être ceux qui sauront repousser les limites et profiter des failles du règlement pour se tailler un nouvel espace de jeu dans lequel évoluer. Cela demande de l’imagination, mais aussi de connaître l’espace de tolérance des autres joueurs de sa communauté.

Ainsi, dans Guild War ou World of Warcraft, certains joueurs pratiquent l’attaque à vue (Free PVP), une tactique dénoncée par beaucoup de participants dans les forums de discussion. « Tous les joueurs en ligne s’accordent sur le principe du fairplay, le respect des autres joueurs. Mais affronter cinq ou six ennemis représente un certain challenge. Guerroyer n’est pas manquer à la règle, c’est toujours jouer », relève pourtant Charles Perraton, le directeur du Département de communication sociale et publique de l’UQÀM et chercheur principal de Homo Ludens.

Dans les MMO, les biens limités – expériences, richesses, honneurs – pousseraient les plus pressés et les plus ambitieux à transgresser les règles pour obtenir un plus gros butin. Tandis que ruser augmenterait notre puissance d’action et notre profit en nous permettant de nous approprier les biens de nos adversaires. Comme dans la vraie vie, finalement.

Je donne