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Les bébés expérimentent, analysent des statistiques et développent des théories intuitives de la réalité physique, biologique et psychologique. Ces scientifiques à quatre pattes cogitent fort. Et ils nous partagent maintenant leurs résultats.

La psychologue Alison Gopnik, professeure et chercheure associée à l’Université de Californie à Berkeley, livre un résumé des toutes dernières recherches sur le développement cognitifs des enfants, dans un article publié dans la livraison de juillet du Scientific American .

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Il fallait au départ résoudre un problème de taille. Comment arrive-t-on justement à mesurer la cognition des enfants de 4 ans et demi ou moins, surtout les bébés, sans l'usage de la parole. Des expériences innovatrices menées dans les années 1970 ont contourné la difficulté. Il faut les observer au lieu de les interroger, ont compris les experts. Les bébés examinent plus longuement une situation nouvelle ou inattendue qu'un événement prévisible. Un tournant de la recherche infantile était franchi.

Cette approche théorique contraste de façon draconienne avec la pensée dominante des 30 dernières années. Les psychologues, philosophes et psychiatres se sont appuyés sur les conceptions de leur contemporain suisse, Jean Piaget. La pensée infantile est irrationnelle, illogique, incapable d'imaginer l'expérience des autres ou de différencier la fantaisie de la réalité, selon sa théorie. En deux mots, ce ne sont que des adultes défectueux, tranchait-il.

Bébé Pentium

Or, plusieurs travaux d'envergure ont découvert des trésors dans les méninges des tout-petits. À commencer par les travaux de Renée Baillargeon de l'Université de l'Illinois et Elizabeth S. Spelke de l'Université Harvard. Les nourrissons sont capables de comprendre les relations physiques fondamentales comme les trajectoires, la gravité et le confinement, grossièrement défini comme la délimitation du volume spatial.

Par exemple, l'attention d'un enfant s'attardera plus longtemps à une petite voiture qui tente de passer à travers un mur qu'à tout autre événement de la vie courante et régie par les lois physiques fondamentales.

Arrivées autour de 3 et 4 ans, les enfants savent décoder les concepts biologiques de base. Pour eux, les plantes et les animaux possèdent un fondement de l'être, un « coeur » invisible qui reste inchangé même si l'apparence, elle, se modifie, explique Susan A. Gelman, professeur de psychologie à l'Université du Michigan.

La découverte la plus considérable remarquable arrive des recherches du psychologue Andrew N. Meltzoff, de l'Université du Washington. Les enfants et les poupons peuvent appréhender la perspective des autres. Les nouveaux nés le font d'instinct quand ils imitent leurs expressions faciales.

Une expérience réalisée en 1996 ━ et toujours d'actualité ━ par Alison Gopnik, et Betty Repacholi, aujourd'hui attachée à l'Université de Washington, est particulièrement évocatrice. On a placé un bol de craquelins au fromage et un autre rempli de brocolis crus devant des enfants de 18 mois. L'expérimentateur mimait un visage heureux ou une moue en pigeant dans chacun des bols. Après, il tendait la main pour demander aux enfants de lui donner quelque chose. Les enfants lui ont donné les brocolis quand il le voyait faire un visage heureux à l’idée d’en manger. Les enfants se sont donc fiés à l’expression de l’expérimentateur pour répondre à son choix, sachant consciemment qu'ils auraient fait un autre choix pour eux-mêmes (les enfants préfèrent évidemment les craquelins aux brocolis!) La notion d'égocentricité de Piaget ne tient donc plus.

L'apprentissage par modèles statistiques

Les bébés arrivent même à comprendre une relation entre un échantillon statistique et une population donnée. Au cours d'une expérience en présence de bébés de 8 mois, Fei Xu de l'Université de Californie à Berkeley a sorti une boîte de remplie de balles de ping-pong de deux couleurs, dont 80 % sont blanches et 20 % rouge. L'expérimentateur choisit 5 balles, apparemment par hasard. Les bébés ont été plus étonnés (pour montrer leur étonnement, les bébés ont tendance à observer un objet plus longtemps et avec intensité) de le voir sortir 4 balles rouges et une blanche ━ une réalité improbable ━ que 4 blanches et une rouge.

De toute évidence, les enfants ne réalisent pas ces tâches cognitives volontairement. Leur cerveau, par contre, si, en appui à la théorie de la neurosciences cognitive. Notre cerveau s'apparente à un ordinateur, modelé à la fois par l'Évolution et l'expérience.

Et comme les plus récents modèles, leurs mises à jour sont prodigieuses. Et offre des possibilités encore à découvrir.

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