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Deux recherches publiées en 2016 et 2019 par l’infectiologue français Didier Raoult ont été retirées des archives de la revue qui les avait publiées, à la suite d’une enquête interne déclenchée il y a deux ans pour des entorses à l’éthique. 

Publiées le 30 octobre, les notices annonçant ces deux rétractations, qui ont été affichées, comme c’est l’usage, sur les pages de la revue Scientific Reports où se trouvaient jusqu’ici les deux études, font état de « préoccupations éthiques » et du fait que « les auteurs n’ont pas été capables de fournir de la documentation sur les approbations appropriées des comités d’éthique du Niger ou du Sénégal ». 

Autrement dit, des études sur la composition du microbiome intestinal d’enfants dans ces deux pays ont été faites sans que les comités d’éthique locaux n’en aient été avisés, ou du moins sans qu’on puisse fournir la preuve qu’ils étaient au courant. Ce problème avait été signalé pour la première fois sur le forum spécialisé PubPeer en mars 2021 et les chercheurs ont été, depuis, incapables de fournir la documentation demandée.   

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Cette même année 2021, les soupçons se sont accumulés autour de plusieurs autres études co-signées dans la dernière décennie par Raoult ou ses collègues de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) de Marseille: des plaintes émanant autant de gens de l’extérieur, comme la microbiologiste californienne Elizabeth Bik —qui, dès avant la pandémie, s’était fait connaître pour sa traque des manquements à l'intégrité en science— que de gens de l’intérieur de l’IHU —salariés et anciens salariés. Ces derniers ont évoqué, au fil des enquêtes des autorités françaises, des manquements à l’éthique ou des cas de « falsification de données ». En tout, ce sont maintenant des  centaines d’études cliniques qui font l’objet de vérifications ou de demandes de clarifications. 

Didier Raoult a pris sa retraite de professeur en juin 2021 et a quitté son poste de directeur de l’IHU en août 2022.

Plus récemment, en juin 2023, Didier Raoult et ses co-auteurs acceptaient eux-mêmes de rétracter une étude pré-publiée deux mois plus tôt. Ils annonçaient cette décision quelques jours après que cette étude ait été dénoncée par 16 associations de médecins. Ceux-ci y reprochaient aux auteurs et à l’IHU « la prescription systématique », aux patients atteints de COVID, de médicaments comme l’hydroxychloroquine ou l’ivermectine, « sans bases pharmacologiques solides et en l’absence de toute preuve d’efficacité », et ce pendant plus d’un an. 

Un auteur anormalement prolifique 

En décembre 2022, l’éditeur PLOS (Public Library of Science) avait apposé sur 49 études de l’IHU parues entre 2010 et 2020, un avertissement appelé en anglais « expression of concern »: il s’agit souvent de la dernière étape avant une rétractation complète. On signale de cette façon au lecteur que cette étude fait pour l’instant l’objet de doutes, tout en laissant la chance aux auteurs d’apporter des explications. Dans ce cas-ci, il s’agit largement de doutes entourant les accrocs à l’éthique, par exemple dans une étude portant sur des sans-abris à Marseille.

Lors de son annonce de décembre 2022, PLOS annonçait se donner un an pour compléter son enquête. Mais son communiqué, en plus de rappeler les doutes autour des comités d’éthique, soulevait aussi un autre fait, fréquemment dénoncé au fil des années: un nombre de publications anormalement « prolifique » de la part de ces auteurs, « qui équivaudrait à près d’un article tous les trois jours ». 

C’est une anomalie qu’avaient par exemple relevé, en mai et juin 2020, deux enquêtes journalistiques, parues dans Médiapart et L’Express: depuis la création en 2013 de la revue scientifique New Microbes and New Infections, dont les collègues de Raoult sont éditeurs associés ou rédacteur en chef, Didier Raoult y avait signé ou co-signé un tiers des 728 articles. 

Dans la foulée, en juin 2020, Yves Gingras et Mahdi Khelfaoui, de l’Université du Québec à Montréal, relevaient, dans la base de données Web of Science (WoS), 2053 articles signés Raoult, publiés entre 1979 et 2018, et ayant été cités près de 73 000 fois. Dans l’écosystème de la recherche, le nombre de citations est un indicateur important pour la promotion des carrières. Celui de Raoult était, à l’évidence, élevé. Sauf que, écrivaient Gingras et Khelfaoui, cet indice « peut être gonflé artificiellement grâce aux citations faites par un auteur à ses propres articles ». WoS indiquait que parmi ces 73 000 citations, 18 000 étaient de « l’autocitation ». 

 

Mise à jour 4 janvier 2024 : la Société américaine de microbiologie a annoncé aujourd'hui la rétractation de 7 articles de ses deux journaux, tous co-signés par Didier Raoult (pour six d'entre eux) et d'autres auteurs de l'IHU de Marseille (pour les sept).  

Mise à jour 5 avril 2024: la revue New Microbes and New Infections a ajouté un avertissement (expression of concern) sur pas moins de 101 articles co-signés depuis 2016 par Didier Raoult ou ses collègues de l'IHU. La même semaine, la revue Scientific Reports a annoncé la rétractation d'un article de la même équipe publié en 2017: c'est la 10e rétractation associée à Didier Raoult, selon le blogue Retraction Watch

Mise à jour 29 avril 2024: on est passé de 178 à 242 publications accompagnées d'un avertissement (expression of concern). Et on en est à présent à 13 publications rétractées, selon la compilation effectuée par le site IHU Correction

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