Dès juin, une étude
dénonçait les risques
de cette pilule anticholestérol
quon appelle tantôt Lipobay
(de son nom scientifique) tantôt
Baycol (de son nom commercial). Un médicament-vedette
pour la multinationale pharmaceutique
Bayer. Un de ces médicaments
dont le succès vous garantit
des profits mirobolants...
Profits mirobolants :
lan dernier, selon Libération,
les ventes du Baycol ont dépassé
celles de laspirine ! On
comprend mieux alors que les responsables
aient préféré balayer
sous le tapis les effets secondaires,
lorsque ceux-ci ont commencé
à se manifester. Mais lorsque
des patients ont commencé à
carrément mourir, cest
devenu plus embarrassant... Lorsque,
le 8 août, on a annoncé
simultanément, en Europe et aux
Etats-Unis, le retrait de ce médicament
des tablettes, les médecins français,
rapporte Libération, avaient
été si peu informés
de ce qui se passait quils imaginaient
quil sagissait là
dune mesure de prudence exagérée
de la part de leurs fonctionnaires locaux.
Encore un de ces imbroglios bureaucratiques...
Eh bien, cétait
plus grave. A forte dose ou associé
à un autre médicament,
lanticholestérol de Bayer
peut
entraîner des troubles graves
des muscles et des reins. Bayer
disposait de cette information depuis
le 15 juin : une étude,
déposée à cette
date, tirait la sonnette dalarme.
Ce nest que le 10 août que
la multinationale a transmise cette
étude aux autorités de
la santé de divers pays... soit
deux jours après que ces mêmes
autorités (en Europe et aux Etats-Unis)
eurent décidé discrètement
de retirer le médicament des
tablettes. Et comme par hasard, 24 heures
après que les médias se
furent emparés de laffaire.
Et létude
nétait pas une simple étude
alarmiste se faufilant milieu de nombreuses
études positives, comme cela
arrive souvent. Interrogé par
Libération le 17 août,
le porte-parole de lAgence française
de sécurité sanitaire
des produits de santé, lui aussi
prévenu sur le tard, parle dune
"étude réalisée
sur une cohorte de patients d'une mutuelle
américaine, qui pointait les
effets secondaires mortels du médicament".
Trente et un décès, et
ce aux Etats-Unis seulement. Peut-être
quatre en Allemagne. Trois en Espagne.
Et le bilan non-officiel a continué
de salourdir dune dizaine
de décès supplémentaires
après le 10 août.
Les gros sous? Il y en
aura un peu moins cette année
puisque, devant la menace de centaines
de poursuites judiciaires, le groupe
allemand Bayer a annoncé le 16
août quil retardait
son entrée à la Bourse
de New York, prévue pour le mois
prochain. Déjà, un avocat
allemand, Ed Fagan, a déposé
une plainte en recours collectif contre
Bayer aux Etats-Unis, au nom, pas des
victimes... mais des six millions de
personnes (dont 500 000 en France) qui
ont pris ce médicament depuis
deux ans !
Chez Bayer, on affirme
que rien ne permet au contraire de lier
ces décès à son
médicament. Lequel a tout de
même bel et bien été
retiré des tablettes en raison
des risques de dégâts quil
fait causer sur les tissus des muscles...
Cet "incident"
est loin dêtre anodin, parce
quil concerne un mal dont lexpansion
ne fait que commencer: le cholestérol.
Le cholestérol, il convient de
le rappeler avant daller plus
loin, est une substance présente
naturellement dans la plupart des coins
de notre corps, et qui joue un rôle
essentiel, notamment comme "transporteur"
des acides gras. Cest à
lexcès que le cholestérol
devient dangereux: on lui attribue la
responsabilité entre autres de
lartériosclérose,
cette formation de dépôts
sur les artères, qui peut entraîner
un blocage de lartère,
et tout ce qui va avec.
Or, cet excès de
cholestérol est une maladie des
temps modernes, directement liée
à une alimentation trop riche,
trop grasse, trop tout. La crise qui
frappe Bayer a du même coup rappelé
combien ces géants pharmaceutiques
dépensent des milliards pour
trouver des traitements à des
maux qui sont, justement, à lordre
du jour. En effet, parallèlement
à Bayer, Pfizer et Merck ont
eux aussi investi dans le filon des
"statines", nouvelle famille
de médicaments anti-cholestérol,
commercialisée depuis 1997-98.
Et ces statines sont bien plus importantes
pour ces compagnies que les médicaments
anti-sida dont on parle pourtant plus
souvent : le Tahor constitue le
médicament no. 1 de Pfizer, et
en représente à lui seul
16% du chiffre daffaires. Davantage
que le viagra !
Au point où plusieurs
patients ont commencé à
se demander si ce nest pas de
lensemble des statines dont ils
devraient désormais se méfier,
et pas seulement du Baycol.
Une alternative? Manger
mieux coûterait moins cher à
ces millions de patients, et comporterait
moins deffets secondaires. Mais
serait tellement plus compliqué...