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Le jeudi 31 mars dernier, sous les auspices du journaliste scientifique Luc Dupont, durant tout un après-midi, une soixantaine d’élèves de deuxième secondaire (classes de Chantale Maheux et Anne Savard de l'École secondaire de l'Horizon à St-Jean-Chrysostome, près de Lévis) avaient rendez-vous avec la chercheuse spécialisées en « douleurs fantômes » Catherine Mercier, les amputés René Paquin et Yvan Réel, ainsi qu’avec Danie Lavoie responsable du programme des amputés à l’IRDPQ.

L’objectif? Mieux comprendre cet étrange phénomène, de la bouche même des chercheurs et des patients. Autre objectif? En faire un compte-rendu impressionniste - pour vous blogueurs et blogueuses - sur le site de l’Agence Science-Presse.

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Voici donc, plus avant, ces vibrants témoignages! Mais auparavant, une petite mise en contexte sur le thème des membres et des douleurs fantômes…

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Il y a quelques années, un malheureux accident de travail lui enleva ses cinq doigts, sa main et son poignet. Ces éléments essentiels de son bras droit furent brûlés et broyés entre deux rouleaux géants d’une machine à papier…

Pourtant, lorsqu’Yvan Réel s’éveilla après la chirurgie, il aurait juré que son bras était toujours là, tellement il le ressentait encore. Mais un rapide coup d’œil à son côté droit lui indiqua le contraire…

« Dans ma tête pourtant, mon bras est encore là! », clame-t-il. Le preuve, c’est que j’ai encore mal aux doigts… »

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La jambe droite de René, les chirurgiens orthopédistes durent la sectionner juste en haut de la cuisse emportant même une partie du bassin, pour éviter que le cancer qui s’y était nidifié ne se répande au reste de son corps.

Pourtant lorsque l’homme, chauffeur d’autobus de son métier, reprit ses esprits sur son lit d’hôpital, quelques heures après son opération, il aurait juré sur la tête de ses deux enfants que cette jambe si précieuse était encore là sous les couvertures, tellement il ressentait un engourdissement à son pied… droit!

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Comment est-ce possible? Les médecins que René et Yvan rencontrèrent quelques jours plus tard - et la chercheuse scientifique avec qui ils travaillèrent durant plusieurs mois pour arriver à chasser cette étrange douleur qu’ils ressentaient depuis à l’endroit même de leur membre manquant - lui expliquèrent de quoi ils souffraient. René et Yvan apprirent alors que de nombreux amputés conservaient logtemps la « sensation » de leur membre réel même lorsque celui-ci avait été amputé, au point d’en avoir mal...

Selon les spécialistes, ce membre amputé est devenu alors un « membre fantôme ». Il en est ainsi parce que les cellules du cerveau responsables du mouvement des doigs ou des orteils, sont toujours là dans le cerveau qui, lui, n’a souffert d’aucune amputation. Et par un étrange phénomène, ces cellules cérébrales, même en face d’un membre absent, sont à la source d’une souffrance bien réelle, appelée « douleur fantôme ».

C’est que les zones sensorielles et motrices du cortex cérébral contiennent chacune, selon les spécialistes une espèce de carte physiologique où sont représentés tous les segments du corps. « Nos travaux montrent que l’activité des neurones de la zone de la main [ou du pied dans le cas de René], qui se trouvent dans le cortex moteur, continue d’être associée au membre manquant et à ses « mouvements ». Ils sont même à l’origine d’une douleur « fantôme » difficile à contrôler », explique l’ergothérapeute Catherine Mercier, professeure à la faculté de médecine de l’Université Laval et chercheuse au CIRRIS de Québec, le Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et en intégration sociale. Le CIRRIS se trouve dans le même édifice que l’Institut de réadaptation en déficiences physiques de Québec (IRDPQ).

Cette douleur « fantôme », impossible à soulager complètement chez 50 à 80 % des amputés (qui s’en remettent alors aux analgésiques et même à la morphine) devient tellement débilitante chez certains que ses conséquences sont plus invalidantes encore que l’amputation elle-même.

Luc Dupont Journaliste scientifique

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