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Ce n’est pas d’un nouveau journalisme scientifique dont on a besoin, mais d’un nouveau journalisme. Et ça ne dépend pas juste des journalistes.

L’association française Acrimed organise le 8 décembre un débat intitulé « Un autre journalisme scientifique est-il possible? ». Elle s’inquiète, à juste titre, que les sciences soient chroniquement marginalisées dans nos médias, « reléguées dans des rubriques secondaires ». Je ne sais pas ce qu’en diront les panélistes, mais je doute qu’un « autre » journalisme scientifique soit la solution.

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Commençons par les évidences : oui, les sciences constituent le parent pauvre des médias —une minute de science par 5 heures de nouvelles continues, selon le calcul déprimant qu’avait fait le State of the News Media 2008. Oui, le journalisme scientifique décline dans les médias généralistes, comme le rappele le journaliste Pierre Barthélémy en répondant lui aussi à la question d’Acrimed.

Et parmi les explications souvent invoquées, il y a ce complexe d’infériorité qu’éprouve, face aux sciences, une bonne partie de la population, y compris les rédacteurs en chef.

Je fais partie de ceux convaincus que les journalistes scientifiques doivent franchir cet obstacle en cessant de ne présenter la science que sous la forme de « la découverte de la semaine », un type d’article qui contribue à conforter le lecteur dans sa perception que la science est une chose certes fascinante, mais inaccessible au commun des mortels. Il faut plutôt raconter des histoires, expliquer le processus, faire des liens. Ce qui implique de placer la science dans son contexte social, culturel, politique, plutôt que de ne parler que de la percée, la nouveauté, la découverte.

Sauf que si on faisait ça, ce ne serait plus du « nouveau journalisme scientifique ». Ce serait du « nouveau journalisme ». Vous en connaissez beaucoup, vous, des journalistes du quotidien qui consacrent tout leur temps à expliquer, plutôt qu’à rapporter la nouvelle?

Il en est ainsi depuis plus d’un siècle que nos quotidiens sont devenus des « médias de masse », et ces 20 dernières années, la course à l’instantanéité et la diminution des effectifs ont empiré le problème : on demande aux journalistes de faire de plus en plus avec de moins en moins.

Si vous voulez un nouveau journalisme, il vous faut donc relancer le balancier dans l’autre sens : investir davantage dans une information différente, dans la qualité, l’enquête, l’explication, investir dans un journalisme qui réfléchit.

Et qui est ce « vous »? Pas juste les vilains-éditeurs-avides-de-profits. En notre ère du tout-gratuit, quelle proportion de la population est prête à sortir sa carte de crédit pour obtenir de l'information, fut-elle différente, de qualité, etc.?

Nombreux sont les scientifiques qui critiquent la qualité de l’information dans les médias, mais combien ont protesté lorsque leur journal local a aboli sa page Science? Combien d’universités ou d’institutions seraient prêtes à servir de mécènes pour soutenir des efforts de journalisme scientifique qui existent déjà, mais qui ont du mal à joindre les deux bouts?

Oui, un nouveau journalisme est possible. D’autant plus que ceux qui pourraient le produire existent déjà, éparpillés parmi les pigistes et les salariés. Mais ça ne dépend pas que d’eux.

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