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Été 2020. À la terrasse d’un café, je commande un jus d’orange pressé. Le serveur me regarde de travers et me sert un copieux «savez-vous que l’orange est à 5$ l’unité ces temps-ci?». Euh non, merci de me l‘apprendre. Un peu cher vos agrumes, non? «Plaignez-vous donc à Huanglongbing, Monsieur.»

Huanglongbing!? Déjà entendu ce nom-là et pas à l’épicerie asiatique du coin. J’oublie tout de suite mes velléités d’envoyer un courriel rageur à un négociateur chinois de fruits et légumes qui fait monter les prix sur le marché mondial. Huanglongbing est certes asiatique, mais beaucoup plus sournoise qu’un simple maraîcher. En chinois, elle signifie «maladie du dragon jaune».

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Un dragon bactérien qui frappe nos voisins du Sud, la Floride en premier. Depuis 1998, un insecte exotique, le psylle asiatique des agrumes, dissémine une bactérie pathogène lorsqu’il s’abreuve de la sève des feuilles d’orangers, de citronniers ou de pamplemoussiers.

Une fois que la bactérie pénètre dans le système vasculaire de l’arbre, elle se reproduit au niveau racinaire avant de bloquer toute circulation de sève et d’empêcher l’épanouissement des feuilles et des fruits (système immunitaire affecté). Mortellement touchés, les arbres dépérissent, les fruits avec. Au contact d’arbres contaminés, la population de psylles participe ensuite à la prolifération de la maladie.

Une prolifération rapide vers l’ouest depuis la Floride en passant d’abord par la Géorgie, la Caroline du Sud, le Texas puis le sud de la Californie en 2012. Une menace pour cet État qui produit 80% des oranges destinées à la production de jus frais et où l’industrie pèse 2 milliards de dollars américains par an. Aujourd’hui, 14 États sont en quarantaine.

Guêpes à l’assaut!

L’US Department of Agriculture (USDA) prend les choses très au sérieux depuis le début de l’épidémie. À la mi-mai, il a injecté 1,5 million de dollars américains supplémentaires pour promouvoir l’utilisation d’une petite guêpe parasite importée, prédatrice naturelle du psylle des agrumes. Le Congrès américain avait déjà alloué 125 millions de dollars pour financer sur cinq ans la recherche de méthodes d’endiguement de la maladie. La somme additionnelle servira donc à l’élevage local et au déploiement de la guêpe salvatrice —non nuisible à l’environnement— dans trois États clés: Californie, Texas et Floride.

Les chercheurs de l’USDA produisent actuellement 10 000 guêpes Tamarixia radiata par semaine et vise le million par an. Réduire la population de psylles, vecteurs de la maladie, est un objectif essentiel pour circonscrire la maladie. Les psylles contaminent les arbres à la manière d’une seringue sale passée entre drogués. Chaque fois que leur bouche-aiguille transperce un arbre, la contamination s’instille et prolifère.

Sur le terrain scientifique, la lutte s’organise aussi d’autres manières: modification génétique des arbres pour augmenter leur résistance aux insectes, utilisation de pesticides, enrichissement du sol pour maintenir les arbres en bonne santé ou même thérapie thermique pour traiter la maladie.

Une combinaison de solutions déployées pour contenir l’invasion, sauver les plantations et... ultimement vous livrer vos agrumes et vos jus préférés. Si vous croisez Monsieur Huanglongbing, ne le saluez pas de ma part. Avouez qu’une Corona sans lime est comme un été sans soleil. Désespérant.

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