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En attirant l’attention à la COP28 sur un débat sémantique entre « réduction » des carburants fossiles et « sortie » des carburants fossiles, les groupes d’intérêt ont attiré l’attention sur un débat sémantique qui, en réalité, imprègne l’histoire de ces négociations internationales sur le climat depuis le tout début, il y a 31 ans.

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En effet, lorsque fut signée en 1992 la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques —l’organisme qui, à partir de 1995, allait organiser les rencontres annuelles ou COP— il était clairement dit par plusieurs des pays signataires, dont les États-Unis, qu’ils refuseraient de signer un traité qui inclurait des réductions obligatoires des carburants fossiles, ou bien des cibles obligatoires, ou bien un calendrier précis. 

Or, pour plusieurs des critiques de ces COP annuelles, c’est le paradoxe avec lequel on vit encore aujourd’hui: les négociateurs avaient réussi à faire signer la Convention-cadre par 155 pays parce qu’il n’était nulle part fait mention d’obligations de réductions, mais ces mêmes négociateurs espéraient qu’avec le temps, ils réussiraient à faire avancer les plus récalcitrants dans la bonne direction. De la même façon que, cette année, on a eu droit à un blocage par certains États pétroliers sur l’expression « sortie des carburants fossiles », même s’il n’était assorti d’aucun calendrier, et à des tergiversations sur une réduction, en autant qu’elle soit accompagnée de mécanismes pour la contourner.

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Déjà il y a trois décennies, les compagnies pétrolières avaient commencé à investir dans le déni (elles avaient pourtant eu à leur emploi des scientifiques qui avaient bel et bien conclu que l’augmentation des gaz à effet de serre allait perturber le climat planétaire). En 1989, la Global Climate Coalition (GCC) était créée par la pétrolière Exxon et d’autres géants, dans le but avoué de s’opposer à toute forme de réduction des carburants fossiles et ce, en suivant une stratégie visant à semer le doute sur la réalité scientifique —comme le révéleraient plus tard des documents internes de ces compagnies.

En 2002, la GCC annonçait mettre fin à ses activités en proclamant avoir accompli sa mission : quelques mois plus tôt, le président des États-Unis, George W. Bush, avait retiré les États-Unis du Protocole de Kyoto. C’était le premier traité international dans lequel certains pays s’engageaient à réduire leurs gaz à effet de serre. Mais même si ce traité ne comportait aucune clause contraignante, c’était déjà trop pour l’industrie. 

« Depuis le jour un, les intérêts des carburants fossiles ont eu une lourde influence dans l’ADN» de la Convention-cadre, résumait récemment le magazine Inside Climate News. « Parce que lorsque vous vous rassemblez pour régler un problème global, et que vous donnez un des sièges VIP à ceux-là même qui causent le problème, le gros bon sens dicte que vous n’allez pas résoudre le problème. »

Il y a bien eu en 2015 l’Accord de Paris par lequel, cette fois, tous les pays de la planète se sont engagés à annoncer des cibles de réduction des gaz à effet de serre: mais il s’agissait encore d’un accord non contraignant. Et il a fallu attendre 2021 pour que, dans le texte clôturant la COP, apparaissent pour la première fois les mots « carburants fossiles », mais sans engagements de les réduire. Et il a fallu attendre 2023 pour lire pour la première fois —dans la quatrième version du brouillon du texte final de la COP28— le choix de s'engager à réduire « la consommation et la production » des carburants fossiles —mais « d’une manière juste, ordonnée et équitable ». Cette dernière formulation, si elle est adoptée au terme de la COP28, laisse toute latitude aux différents pays —ce qui est en phase avec ce que l’industrie exigeait en 1992.

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