
Le 2 mars 2004

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Le peuple empoisonné: les géologues non-coupables
(Agence Science-Presse) - Des millions de
Bangladeshis ont bu de l'eau empoisonnée à
l'arsenic. Mais le coupable qu'ils croyaient avoir trouvé
a été acquitté.
Un juge britannique a en effet décrété
que les géologues ne pouvaient être blâmés
dans cette affaire vieille d'une décennie: ils n'ont
pas fait preuve de négligence en ne détectant
pas l'arsenic dans les couches géologiques où
un programme d'aide international creusait alors des milliers
de puits.
Les avocats britanniques représentant
les villageois ont annoncé qu'ils feraient appel
du jugement.
Le programme d'aide international en question,
qui était piloté par l'UNICEF (Fonds des Nations
Unies pour l'enfance), a consisté à creuser
des puits aux quatre coins du Bangladesh tout au long des
années 70 et 80, en réponse aux nombreuses
maladies infectieuses causées par l'eau dont se servaient
les villageois. En 1992, le British Geological Survey
a été mandaté pour analyser la
toxicité de l'eau de puits: il l'a déclarée
potable. En 1995, les cas d'empoisonnements à l'arsenic
se sont multipliés (les symptômes sont d'abord
sous la forme de lésions cutanées), et la
cause a rapidement été identifiée:
les couches géologiques où avait été
puisée cette eau contenaient bel et bien de l'arsenic
à l'état naturel, et l'arsenic s'était
infiltré jusqu'à l'eau, dans des proportions
dépassant de loin la norme acceptable.
Or, les géologues avaient analysé
l'eau à la recherche des contaminants usuels comme
le phosphore ou le fer, mais n'avaient pas cherché
de l'arsenic. Ils allèguent aujourd'hui que s'ils
ne l'ont pas fait, c'est parce qu'en vertu des connaissances
de l'époque, de l'arsenic n'aurait pas dû se
trouver dans ces couches géologiques. Leurs opposants
répliquent que des événements passés
auraient dû leur mettre la puce à l'oreille:
notamment un cas d'empoisonnement massif à l'arsenic
survenu en 1988 dans l'Ouest du Bengale.
En attendant de savoir si quelqu'un a eu tort,
les Bangladeshis en payent le prix fort. Jusqu'à
270 000 personnes sont peut-être mortes dans les années
suivantes, des suites d'un empoisonnement à l'arsenic,
selon une évaluation de l'Organisation mondiale de
la santé, et l'espérance de vie de dizaines
de milliers d'autres a dû être réduite
dans des proportions impossibles à mesurer. Jusqu'à
75 millions de personnes ont bu cette eau ou continuent
d'en boire! avec des conséquences que, même
aujourd'hui, les médecins hésitent à
mesurer.
C'est peut-être le pire empoisonnement
de masse de l'histoire.
Pour retracer la séquence des événements,
on peut lire:
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