Le gatroentérologue
anglais Andrew Wakefield
se doutait-il de l'impact
qu'aurait son annonce? En
1998, le prestigieux journal
médical britannique
The Lancet publiait
ses résultats préliminaires,
portant sur seulement 12
enfants, où il faisait
état d'un lien entre
le vaccin rubéole-oreillons-rougeole
(ROR) administré
aux enfants, et le développement
de l'autisme.
L'émoi
a conduit de nombreux chercheurs
à revoir leurs données
au cas où quelque
chose leur aurait échappé,
à passer en revue
des décennies de
statistiques médicales
et à revoir l'histoire
médicale de cette
douzaine d'enfants et de
leurs familles. En vain.
Jamais ce lien n'a pu être
démontré,
et
la crédibilité
d'Andrew Wakefield est progressivement
passée dans le tordeur.
La semaine
dernière, le dernier
clou a été
planté dans le cercueil:
The Lancet a publié
un éditorial révélant
un conflit d'intérêt
ahurissant: certains
des 12 enfants au coeur
de l'étude Wakefield
étaient également
au coeur d'une autre étude
visant à établir
s'il y aurait matière
à une poursuite en
justice contre le fabricant
du vaccin ROR et Wakefield
était rémunéré
pour cette autre étude
(103 000$ US). The Lancet
s'est excusé d'avoir
publié la recherche
Wakefield en 1998 sans avoir
vérifié cette
association pour le moins
douteuse.
Mais entretemps,
entre 1998 et 2003, le nombre
de parents faisant vacciner
leurs enfants a chuté
dramatiquement en Grande-Bretagne,
passant de 91 à 79%.
Or, 79%, dans une campagne
de vaccination, c'est statistiquement
insuffisant: cela signifie
que des maladies infectieuses
jadis contrôlées
peuvent proliférer
de plus en plus facilement,
en raison des 21% d'enfants
non-vaccinés.
Seule consolation:
c'est surtout dans ce pays
que le ressac s'est produit.
Dans d'autres pays du Commonwealth
comme l'Australie et le
Canada, le taux de vaccination
n'a pas diminué autant,
ou n'a pas diminué
du tout.
Wakefield
a été interrogé
par les journalistes la
semaine dernière,
et il se défend bien
d'avoir publié des
résultats biaisés.
Ce dimanche, le Daily
Telegraph révélait
que le Dr Wakefield envisageait
de poursuivre The Lancet
pour libel. Il se décrit
plutôt comme une victime
de l'establishment, opinion
qu'ont partagé tout
au long de la semaine quelques
chroniqueurs dans les médias
britanniques, et des centaines
de personnes dans des forums
électroniques à
travers le monde.
Faisant ainsi
peu de cas:
- des montagnes de données
médicales qui
rappellent que la rougeole,
loin d'être une
maladie bénigne,
était souvent
responsable, avant que
la vaccination ne soit
instaurée, de
pneumonies et de dommages
au cerveau.
- qu'une seule étude
portant sur 12 enfants,
déjà malades,
sans aucune comparaison
avec des enfants en
bonne santé,
n'a pratiquement aucune
valeur.
- et que l'autisme est
une maladie qui, dans
la majorité des
cas, est diagnostiquée
vers l'âge de
deux ans. Comme la majorité
des enfants sont vaccinés
avant l'âge de
deux ans, il peut être
tentant de voir un lien
de cause à effet.
Aucune
étude n'a permis
d'établir un lien
entre l'augmentation des
cas d'autisme et le vaccin
ROR: au contraire, la
plus importante étude
du genre, portant sur le
demi-million d'enfants nés
au Danemark entre 1991 et
1997, constate deux choses:
une augmentation des cas
d'autisme, tandis que le
nombre d'enfants vaccinés
reste stable; et une proportion
similaire de cas d'autisme,
autant chez les enfants
vaccinés que chez
les non-vaccinés
(voir
ce texte).
Mais les plus
cyniques ne sont pas surpris
des appuis que continue
de récolter le Dr
Wakefield. "Vous ne changez
pas l'opinion des gens en
leur présentant des
faits contraires", explique
dans le Sydney Morning
Herald l'expert australien
de santé publique
Simon Chapman. "Vous devez
plutôt examiner ce
qui les conduit à
penser que la vaccination
peut être néfaste."
Cette
mythique association avec
l'autisme, écrit
dans le Scotsman
le parent d'un enfant autiste,
"est, je crois, un symptôme
de notre culture de la compensation.
Il fut un temps où
nous acceptions que certains
maux n'aient ni explication
ni cure. Nous les appelions
"actes de Dieu". Ces maladies
mystérieuses faisaient
partie de la loterie de
la vie.
"Au cours
du dernier siècle,
les progrès de la
médecine ont permis
de résoudre plusieurs
de ces énigmes. Mais
ces progrès ont été
faits aux détriments
de la profession médicale:
les gens croient désormais
que toutes les maladies
devraient avoir une explication
et une cure. Quand ce n'est
pas le cas, les médecins
sont blâmés."
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