La NASA: 350 employés... aux relations
publiques. C'est, de mémoire d'homme, la plus grosse
boîte de communications scientifiques de la planète.
Avec un tel effectif, inutile de dire que
la NASA a toujours contrôlé l'information
scientifique. Bien des nouvelles d'importance mineure se
sont retrouvées dans les journaux, pas en raison
d'un obscur complot, mais simplement parce que le service
des relations publiques de la NASA est hyper-efficace.
Il faut savoir que depuis 25 ans, les budgets
des salles de rédaction ont diminué, que plusieurs
médias ont fusionné ou fermé leurs
portes, et que le travail précaire a progressé
dans la profession journalistique. Parallèlement
toutefois, les budgets des relations publiques ont, eux,
grimpé en flèche. Résultat: les compagnies
et les organismes qui ont les moyens de bien faire parler
d'eux ont beaucoup plus de chances d'effectivement faire
parler d'eux dans les journaux. Et si, comme la NASA, ils
parlent de sujets de nature à faire rêver,
ils sont gagnants.
En général, les scientifiques
ne se plaignent pas de cette forme de contrôle: ils
sont bien heureux que leurs résultats obscurs sur
les courants atmosphériques de Titan, les isotopes
d'un caillou martien ou l'hydrogène d'un nuage interstellaire,
fassent l'objet d'une conférence de presse! Mais
la semaine dernière, on a eu droit à un exemple
d'un scientifique dont les résultats ne concordaient
pas avec la stratégie de relations publiques de son
employeur.
Le dimanche 29 janvier, le New York Times
révélait en effet que James Hansen, directeur
de l'Institut Goddard des études spatiales (affilié
à la NASA), et expert de 20 ans du réchauffement
planétaire, accusait
la Maison-Blanche de tenter de le bâillonner sur
le lien entre les gaz à effet de serre et le réchauffement.
À la NASA, on a confirmé que les conférences
et articles à venir du Dr Hansen, de même que
les demandes d'entrevues, devaient être approuvées
par les relationnistes, tout en assurant que c'était
là pratique courante.
Les journaux en ont fait leurs gorges chaudes
le lendemain, mais depuis, on a appris que d'autres scientifiques
se plaignent d'un semblable traitement. Steven Beckwith,
astronome à l'Université Johns Hopkins et
ancien directeur de l'Institut du télescope spatial
Hubble, affirme que la NASA "interdit à toute son
équipe de parler à la presse", en raison,
selon lui, de la controverse qui entoure le télescope
depuis quelques années (faut-il ou non prolonger
sa vie).
Le Dr Hansen avait prononcé une conférence
en décembre lors du congrès de l'Union géophysique
américaine, au cours de laquelle il appelait à
des actions rapides pour réduire les émissions
de gaz à effet de serre. Ce qui en fait un "homme
dangereux" aux yeux du gouvernement Bush, ironise
le Boston Globe.
Depuis, en au moins une occasion, un responsable des
relations publiques à la NASA, George Deutsch,
a refusé à un journaliste une demande
d'entrevue avec le Dr Hansen. La nomination de George
Deutsch à ce poste, ont souligné à
grands traits les médias, est le résultat
d'une "nomination politique". |
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Dans
un nouvel article publié le 4 février,
le journaliste du New York Times rapporte que "plus
d'une dizaine" de relationnistes de l'agence spatiale américaine,
ainsi qu'une "douzaine de scientifiques de l'agence", lui
ont parlé "d'efforts croissants" de la part de ces
"nominés politiques" pour contrôler le flux
d'information scientifique. Cela inclut l'effort mené
par la NASA depuis l'année dernière pour ajuster
sa vision au projet du président Bush de retourner
sur la Lune d'ici 2020.
Le président du Comité de la
Chambre des représentants sur la science, le sénateur
républicain Sherwood Boehlert, s'est dit offusqué,
dans une lettre envoyée au directeur de la NASA,
de "cette atmosphère d'intimidation", qui ne peut
que nuire à "de la bonne science", dit-il. Le directeur
de la NASA, Michael Griffin, dans un courriel envoyé
en fin de semaine à ses 19 000 employés, a
fait amende honorable.
En revanche, le sénateur James M. Inhofe,
avait auparavant défendu le travail des relationnistes
par la voix de son porte-parole: "les
communicateurs de la NASA ne font que remplir leurs obligations
professionnelles".
James M. Inhofe est directeur du comité
du Sénat sur l'environnement, et celui qui, en octobre
(voir
ce texte), a invité devant son comité,
à titre "d'expert" du réchauffement, le romancier
Michael Crichton. Ainsi va le contrôle de l'information
scientifique...
Pascal Lapointe