En manchettes la semaine dernière:
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Et pourquoi pas un brevet sur le sida?
Montre-moi tes
enfants, je te dirai ce que tu manges
Votre embryon,
je le sers avec ou sans maladie?
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Les affaires sont les affaires
Pendant que les débats se poursuivent sur le droit
d'utiliser ou non des cellules d'embryons pour faire progresser
la recherche médicale, les retombées possibles
de ces cellules se multiplient à un rythme tel que ces
débats apparaissent soudain complètement déphasés.
La revue Science ne s'y trompe pas, elle qui intitule
un de ces articles de cette semaine : "
The Business of Stem Cells ". La recherche sur les cellules-souches
(stem cells) est bel et bien devenue, désormais,
une question " d'affaires " bien plus que de science.
Et la chose est d'autant plus étonnante que ces cellules-souches,
hormis une poignée d'experts, personne n'en avait entendu
parler avant novembre 1998. Depuis,
elles se sont transformées en l'un des domaines les plus
importants de la recherche -et on ne compte plus les compagnies
qui ont sauté dans le train dans l'espoir de trouver une
application commerciale.
Ce que le biologiste James Thomson avait annoncé en
novembre 1998 était, nul
ne le nie, révolutionnaire : il avait réussi à
faire croître en laboratoire des cellules embryonnaires
humaines -appelées aussi cellules-souches. Des cellules
qui, parce qu'elles ne se sont pas encore spécialisées,
pourraient en théorie être ordonnées de se
transformer en n'importe quoi : un poumon, un rein, un morceau
de peau... Bref, le rêve ultime des spécialistes
des greffes et des transplantations, un marché qui se
calcule en... milliards de dollars par an.
Certes, ces cellules étaient des cellules d'embryons
humains, ce qui posait tout de même de menus problèmes
éthiques. Mais il en fallait plus pour arrêter les
entrepreneurs, parmi lesquels la firme Geron Corp., de Menlo
Park, Californie, qui allait rapidement prendre la tête
du peloton. " Nous avons certainement investi un paquet
", déclare à Science son président,
Thomas Okarma. C'est également Geron qui a signé
l'an dernier un partenariat avec l'Institut Roslin, en Ecosse,
là où est née la brebis Dolly.
Décidées à ne pas se laisser distancer,
d'autres firmes ont investi un paquet ailleurs : c'est ainsi
qu'on s'est aperçu, depuis 15 mois, que des cellules-souches,
on pouvait aussi en trouver dans la moëlle osseuse. C'est
ainsi qu'une expression bizarre est apparue en cours de route
: " cellules-souches adultes ". Elles semblent aussi
polyvalentes que les autres -et, avantage non-négligeable,
elles ne posent pas de problèmes éthiques.
Quinze mois plus tard, certains produits testés par
ces compagnies en sont déjà au stade des essais
cliniques, ce qui en dit long sur la " ruée vers
l'or " qui est en train de se produire quinze mois,
c'est très court, en science. Et ce, sans que le grand
public en ait le moindrement entendu parler -sauf ceux qui lisent
régulièrement cette page, bien sûr. Le secret
le plus absolu domine ces expériences, mais on parle de
traitements contre la maladie de Parkinson (en greffant des tissus
cervicaux) ou l'arthrite.
Et c'est là que le bât blesse, parce que si ces
cellules-souches constituent vraiment la révolution dont
on parle, alors seule une poignée de gens aura le contrôle
sur cette révolution. Geron, par exemple, détient
l'exclusivité sur le traitement découlant des recherches
de James Thomson, et dénonce l'Université du Wisconsin,
où travaille Thomson, parce qu'elle distribue à
tout chercheur qui en fait la demande les cellules descendantes
de la lignée créée par Thomson. Ou Osiris
Therapeutics, de Baltimore (Maryland), qui a identifié
un type de " cellule-souche adulte "... et a déposé
un brevet.
Tant qu'à breveter ces cellules, pourquoi ne pas carrément
breveter le clonage? Il y a un mois,
nous signalions que l'Institut Roslin avait obtenu du gouvernement
britannique un brevet lui conférant les droits exclusifs
sur la technologie de clonage mise au point chez lui. Une décision
qui pourrait faire des petits : la semaine dernière, c'était
au tour du Bureau européen des brevets d'être sur
la sellette pour avoir accordé un brevet sur le clonage.
Et cette fois, pas sur la technologie, mais sur les produits
issus du clonage : autrement dit, les clones d'animaux, comme
Dolly... et les clones humains.
La décision avait été rendue en décembre,
mais ce n'est que la semaine dernière que Greenpeace en
a pris connaissance, réagissant de la manière qu'on
peut imaginer. Le Bureau des brevets s'est immédiatement
rétracté, expliquant qu'il n'avait jamais été
dans son intention de breveter des clones humains, et qu'il fallait
y voir une erreur de formulation.
Mais ce ne sont évidemment pas les compagnies engagées
dans des expériences sur le clonage qui auraient signalé
cette erreur au Bureau des brevets...
Des cellules-souches aux OGM
Somme toute, ces dilemmes ne sont pas si différents
de ceux qui frappent les aliments transgéniques, où
les compagnies engagées dans la recherche ont elles aussi
des intérêts commerciaux. A ce sujet, le lobbying
annoncé en novembre se poursuit : la BBC vient d'apprendre
qu'un consortium de firmes britanniques de biotechnologie a fait
un don de près de 500 000 livres à un groupe de
scientifiques "pour
contribuer à un débat plus équilibré
autour des plantes modifiées génétiquement".
Les commanditaires ont par contre signé un accord par
lequel ils s'engagent à n'user d'aucun droit de veto sur
aucune des prises de position de ces scientifiques, dont aucun
ne travaille pour l'une ou l'autre de ces compagnies.
L'avenir dira de quelle côté la balance penchera...
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