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L'avenir incertain du transgénique
Les aliments transgéniques ont-ils un avenir? On est en droit
de se le demander, à voir la levée de boucliers qui, en Europe
atteint une ampleur que nul n'aurait soupçonné il y a seulement
un an -et qui doit sérieusement inquiéter les grands patrons
des grandes compagnies américaines.
L'Union européenne qui adopte un moratoire sur les aliments transgéniques
-ou "organismes modifiés génétiquement".
La Grande-Bretagne, où l'inquiétude n'a pas cédé
un pouce de terrain depuis février (manchette
du 15 février). Une fausse nouvelle, également en provenance
de Grande-Bretagne, qui a fait croire pendant quelques jours que le premier
clone humain était désormais devenu réalité
(manchette de la semaine dernière).
Le moins qu'on puisse dire, c'est que les généticiens européens
doivent avoir envie de se faire tout petits, par les temps qui courent.
Il y a un an, nous avions été
parmi les premiers à insister sur l'aspect platement économique
du vaste secteur des biotechnologies. Aujourd'hui, il serait sans doute
temps d'insister sur l'aspect platement politique...
Le clonage est évidemment la partie la plus visible: les scientifiques
britanniques ont senti le besoin d'intervenir à nouveau la semaine
dernière, pour
demander au gouvernement qu'il autorise le clonage d'embryons humains à
des fins thérapeuthiques -le "clonage thérapeutique",
qui consisterait à fabriquer des organes ou des tissus en vue de
greffes, à ne pas confondre avec le "clonage reproductif"
qui consisterait à produire un nouvel être vivant, comme la
brebis Dolly. De toutes façons, soulignent-ils, le clonage reproductif
est loin d'être à nos portes: non seulement les chercheurs,
à travers le monde, ont-ils besoin de dizaines, voire de centaines
d'essais, pour arriver à cloner ne serait-ce qu'une autre brebis,
ou une vache, ou une souris, mais de surcroît, des doutes ont récemment
émergé quant à l'état de santé de Dolly
et des autres animaux clonés (voir manchette
du 31 mai).
En revanche, le clonage thérapeuthique promet bien plus: pour
ces scientifiques, c'est rien de moins qu'une "révolution médicale"
qui nous attend au tournant (la possibilité de transformer des cellules
en "usines à organes"), et il
ne saurait être question que leur pays reste sur une voie de garage.
Mais leur recommandation aurait tout aussi bien pu être transmise
aux murs: devant la violente opposition de l'opinion publique, le gouvernement
britannique n'est pas du tout intéressé à montrer quelque
intérêt que ce soit au clonage, aussi limité soit-il.
Un nouveau comité consultatif vient d'être formé, mais
s'il faut attendre qu'il ait terminé ses travaux, les chercheurs
britanniques en ont pour des mois.
Les Britanniques -et avec eux, les Européens- sont d'autant plus
inquiets que pendant ce temps, aux Etats-Unis, le débat continue
d'être pratiquement ignoré du public. La recherche sur les
cellules-souches d'embryons -des cellules vieilles de quelques heures, qui
ne se sont pas encore spécialisées- base possible de ce fameux
"clonage thérapeutique" pourrait même être
financée par l'Etat, selon le Wall Street Journal -une chose
qui, jusqu'à récemment, semblait hors de question.
Une loi fédérale interdit en effet que des subventions
gouvernementales soient utilisées pour des recherches liées
aux embryons humains, avec pour conséquence que toutes ces recherches
ont été jusqu'ici financées par l'entreprise privée.
Mais devant le marché lucratif qui se pointe à l'horizon,
certains voudraient bien voir le gouvernement venir ramasser sa part de
gâteau.
Pour ces scientifiques, les chose augurent mal, en Europe. Le vendredi
25 juin, l'Union
européenne annonçait un moratoire sur ces produits. Au
terme d'une rencontre de deux jours, les ministres de l'Environnement de
cinq pays (France, Grèce, Danemark, Italie et Luxembourg) se sont
engagés à faire en sorte que "les nouvelles autorisations
de mise en culture et de mise sur le marché soient suspendues"
-ce qui revient concrètement à interdire l'entrée sur
le marché des produits étrangers.
Ces pays mettent comme condition à la levée de l'interdit
une réglementation "garantissant un étiquetage".
Six autres pays de l'UE ont signé un autre texte, qui n'exige pas
une réglementation, mais qui place tout de même une condition
assez difficile à satisfaire: pour que les aliments transgéniques
puissent entrer, il faudra que soit faite la démonstration qu'ils
"n'auront pas d'effet sur l'environnement et la santé humaine".
Simple geste politique posé pour satisfaire l'opinion publique?
C'est ce que semble croire Libération, lorsqu'elle signale
que "la plupart des Etats... considèrent que les OGM sont surtout
victimes, dans l'Union, d'une peur irrationnelle. Aucune preuve de leur
dangerosité n'a été apportée."
Résultat bizarroïde de ces deux textes: les 18 aliments transgéniques
actuellement sur le marché ne seront pas retirés des étalages.
Et il suffirait d'une réglementation sans dents sur l'étiquetage,
peu importe ce qu'elle impose, pour que l'interdit soit levé.
Reste que les Américains ne seront pas contents, eux qui voient
bel et bien un marché plus qu'intéressant se fermer devant
leurs yeux.
Et les Canadiens aussi: le 28 juin, des chercheurs de l'Université
de Guelph, en Ontario, annonçaient la naissance de porcs transgéniques...
qui produiront un purin moins polluant. Comment décemment s'opposer
aux manipulations génétiques avec ça?
Les chercheurs français sont, le mot n'est pas trop fort, désemparés.
Dans une lettre ouverte publiée par Libération, ils
font part de la
situation inconfortable dans laquelle tout cela les place: "que
la population se pose des questions sur l'utilité, les dangers, les
conséquences économiques et sociales" de ces plantes
transgéniques, ce sont des interrogations que "le gouvernement
doit prendre en compte". Mais en tant que chercheurs, "reste à
établir les bases scientifiques de ces interrogations. Et ce n'est
certainement pas en détruisant 4000 plants transgéniques,
comme cela a été fait au début-juin, que les opposants
feront avancer la connaissance...
Bref, le débat, si on peut parler de débat, a pris un tour...
de moins en moins scientifique... |