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La 17e Conférence des Parties (CdP17) de Durban arrive à son dernier droit, alors que les Ministres arrivent depuis lundi et que le chrono approche rapidement l’heure 0, dans trois jours. Pour que Durban soit considéré comme un succès lorsque sonneront les cloches, il faudra obtenir des résultats convaincants dans les deux grands axes de négociation de la conférence. Retour sur les événements du premier droit de la CdP17…

Il faut d’abord savoir que la conférence comporte de nombreux "organes" qui travaillent de concert. Deux de ces organes sont plus politiques et auront une importance centrale dans l’éventuel résultat de la CdP17. Le premier est le Groupe de travail spécial sur les nouveaux engagements pour les parties visées à l’Annexe I au titre du Protocole de Kyoto (dont l’acronyme anglais est AWG-KP) – où se déroulent les négociations sur la deuxième phase du Protocole de Kyoto.

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Le deuxième groupe porte l’acronyme anglais AWG-LCA pour Groupe de travail spécial sur l’action concertée à long terme au titre de la Convention. Sa mission est d’envisager des actions parallèles au Protocole de Kyoto afin de renforcer la lutte contre le changement climatique et rencontrer les exigences de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC). Abordons leurs travaux séparément.

L’avenir incertain du Protocole de Kyoto

Suite aux annonces canadienne, russe et japonaise concernant leur non participation à la deuxième phase du Protocole de Kyoto, celui-ci ne regroupe désormais, du côté des pays développés, que l’Europe et quelques autres dont la somme des émissions ne couvre qu’une fraction des émissions mondiales. Or, pour maintenir le protocole en vie, l’Europe demande que les pays émergents comme la Chine et l’Inde s’engagent à limiter leurs émissions dans un proche avenir.

Ce qui n’était pas envisageable l’an dernier l’est aujourd’hui : la Chine a confirmé et développé son discours sur la limitation de ses émissions et l’Inde montré des signes d’ouverture suite à une position initiale plus rigide. La Chine pose maintenant cinq conditions : la ratification de la deuxième phase du Protocole de Kyoto par l’Europe et d’autres pays développés; le respect des engagements pris à Cancun concernant le financement du Fonds climatique vert; la mise en œuvre des Accords de Cancun, et notamment des chapitres portant sur le transfert de technologie, l’atténuation, l’adaptation et la transparence; un départ rapide du processus de réévaluation des objectifs de la Convention concernant la limitation du réchauffement à 2° Celsuis; et une adhésion claire de la communauté internationale aux principes d’équité et de responsabilité commune mais différenciée dans les négociations futures.

Les négociations continuent actuellement sur ces enjeux, mais il est très difficile de connaître le statut actuel du Protocole de Kyoto. Ce qui est presque certain, c’est qu’il sera impossible d’éviter un « vide juridique » entre la fin de la première phase en décembre 2012 et le début de l’éventuelle deuxième phase. La période de ratification des amendements à apporter au traité, affirment les parties, prendrait plus qu’une année.

Les textes confus sur l’action collaborative à long terme

Parallèlement à cet échange de douces promesses et aux négociations cachotières du groupe travaillant sur le protocole, le AWG-LCA est un brin plus transparent. Il n’est toutefois pas nécessairement plus facile à suivre.

Samedi dernier, le Titulaire du AGW-LCA a présenté un texte de négociation faisant l’amalgame des propositions issues des discussions de la semaine. 131 pages d’obscurs paragraphes et de texte encadré de crochets qui indiquent à la fois la complexité de la négociation et la diversité des points de vue. Structuré en fonction de l’agenda de Bali et des Accords de Cancun, le contient des sections sur plusieurs enjeux de négociation comme la « vision partagée », les actions à prendre pour l’atténuation du changement climatique par les pays développés et les pays en développement, l’adaptation, le financement du Fonds climatique vert, le transfert de technologie, le renforcement des capacités, etc.

Son statut se voulait très préliminaire. Il faut savoir que la COP17 a débuté d’une manière un peu inusité : la présidence sud-africaine a organisé une série de rencontres informelles entre les parties nommées « Indaba », mot de la langue Zulu dont le sens renvoie à un rassemblement de personne réputées sages, dont le but est de discuter d’un enjeu de grande importance pour la communauté. Lors de ces Indaba, les parties ont fait part de leur opinion concernant des questions larges posées par la présidence. Le texte publié samedi constitue un résultat de ces Indaba : il s’agit d’un amalgame des principales propositions concurrentes, méthodiquement regroupées en groupes cohérents qui s’opposent entre eux comme des options relativement incompatibles. C’est un portrait des différentes tendances exprimées lors des Indaba et entre lesquelles il faudra négocier.

Aujourd’hui, mercredi, ce texte a été mis à jour. Mais au lieu de se condenser et de raccourcir, il est devenu encore un peu plus long, ce qui n’augure rien de bon.

Lors d’une mise au point offerte en séance plénière hier soir, le Titulaire se voulait pourtant relativement encourageant. Selon lui, les négociations révélaient des progrès différenciés selon les secteurs de négociation et les sous-groupes, mais des progrès tout de même. Trois types d’enjeux, disait-il, détermineront les résultats de Durban : les enjeux que l’on peut potentiellement régler si on y consacre assez d’énergie; les enjeux qui auront besoin pour débloquer de l’intervention du niveau politique (i.e. les ministres); et les enjeux qu’il sera visiblement impossible de régler d’ici la fin de la CdP17 et qu’il faudra donc reporter à la CdP18. Or, si l’on se fie à la longueur du nouveau texte, il semble que la plupart des enjeux tombent dans les deux dernières catégories.

Faut-il s’alarmer de cette apparente stagnation des négociations?

Juste avant la plénière d’hier soir, je sirotais une bière locale en attendant l’ouverture de la salle lorsqu’un délégué néerlandais, cigarette au bec, m’a cordialement interpellé. La discussion qui s’en suivi a fait ressortir ce que plusieurs chuchotent cyniquement : « toute cette conférence n’est qu’une façade… la vraie négociation se déroule là-bas, au Hilton! »

Sans doute y a-t-il du vrai dans cette affirmation. Il n’y a qu’à rappeler les événements de Copenhague, alors que la déclaration finale avait principalement été rédigée par les États-Unis et la Chine dans un processus opaque, pour le comprendre. Pourtant, si la négociation doit aboutir à un véritable progrès à Durban, c’est sur la base des textes négociés collectivement qu’elle devra porter… qu’elle se déroule au Hilton ou au centre de conférence!

René Audet est délégué de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) à la CdP17 de Durban et contribue quotidiennement au blogue www.blogueaqlpa.com. Il est aussi chercheur affilié à la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable de l’UQAM.

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