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S’il y a indiscutablement de la bonne science dans le projet de la sonde New Horizons, doté d’un budget de 700 millions de dollars, il ne faut pas sous-estimer la dimension politique de Pluton, seule planète à avoir été découverte par un Américain. Lancé en août 2006, la sonde de la grosseur d’un piano nous apportera des informations précieuses de la ceinture d’astéroïdes de Kuiper, aux confins du système solaire. En attendant, les médias ont fait une large place à son point culminant dans les environs de Pluton. Photos précises, nouveaux calculs de sa dimension, exploit technologique à cinq milliards de kilomètres des États-Unis… Yes sir!

L’histoire des sciences n’est pas neutre et celle de Pluton est particulièrement colorée. « Ça m’a amusé de voir les petits drapeaux américains s’agiter à la conférence de presse annonçant le succès de la mission», commente l’astronome Robert Lamontagne, de l’Université de Montréal. Il rappelle que c’est le 18 février 1930 que Pluton est découverte par Clyde Tombaugh, qui avait été mis sur la piste de cet objet par le riche industriel Percival Lowell (1855-1916), astronome amateur dont les initiales forment le symbole astronomique de Pluton (♇) et ses deux premières lettres. Les cendres de Tombaugh font d’ailleurs route dans la sonde.

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Le tapis rouge était à toutes fins pratiques déroulé pour la célébration, en juillet 2015, de Pluton, l’objet le moins bien documenté du groupe planétaire du système solaire à l’époque de son lancement. Sauf que le 24 aout 2006, à peine huit mois après celui-ci, l’Union astronomique internationale a mis un gros caillou dans le soulier de la National Aeronautics and Space Administration. Dans un amphithéâtre de Prague, lors d’un vote à mains levées, les astronomes du monde ont déclassé Pluton au rang de planète naine. Cette redéfinition du statut de planète n’est pas le résultat d’une machination mais l’aboutissement d’un long processus de réflexion et de débats. Le système solaire a longtemps compté cinq planètes, les seules visibles à l’œil nu. Puis Uranus a été « découverte » en 1781 (elle fait 14 fois la masse de la Terre mais est très peu visible sans un bon télescope). À partir du 19e siècle, tout devient confus car on observe de nombreux corps qui pourraient être considérés comme des planètes. Le consensus se fait attendre. Robert Lamontagne concède que la reclassification des planètes aurait pu être mieux gérée. « Disons que je n’engagerais pas leur responsable des relations publiques », ironise-t-il. Cela dit, la décision de l’Union est parfaitement justifiée. Pluton n’aurait jamais dû être classée comme une planète si on définit celle-ci comme un objet qui suit une orbite exclusive autour du soleil et dont la dimension est assez importante pour en faire une sphère. Les planètes naines, où se retrouve Pluton depuis le sombre 24 aout, comptent quatre autres objets (Cérès, Éris, Makémaké et Hauméa) et… 341 candidates à l’étude.

Il faut s’attendre à ce qu’un lobby américain s’active dans les prochains mois pour influer la politique, non pas du Moyen-Orient ou du gouvernement chinois, mais de l’Union astronomique internationale. On pourrait voir revenir le statut de Pluton dans l’ordre du jour des astronomes, ces poètes des sciences.

Mathieu-Robert Sauvé

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