Ainsi, les économistes présentent souvent leurs lois sur un pied d'égalité avec les lois de la physique. L'humain, peu importe ce qu'il veut, ne pourrait échapper à ces contraintes calculées, grâce à des mathématiques complexes, par ces chercheurs. On en vient à prétendre que les taux d'imposition et de chômage idéaux ou l'âge de la retraite optimal sont aussi solidement déterminés par les théories économiques que les propriétés du carbone par la mécanique quantique. Or, l'être humain, contrairement à l'atome de carbone, peut changer. Les lois économiques, qui dépendent des comportements humains, sont donc également appelées à changer avec le temps.
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Il en est de même avec la politique. Certaines structures ou organisations qui paraissaient acceptables il y a 20 ans, ne le sont plus, et vice versa. Chaque époque se pense au summum d'une évolution pointant, avec parfois quelques soubresauts, vers la situation actuelle. Pourtant, il ne peut avoir de fin de l'Histoire, contrairement à ce qu'avait annoncé Francis Fukuwama, il y a une quinzaine d'années puisque les règles du jeu changent constamment.
La politique n'est donc pas une science exacte. Puisque la vérité unique n'existe pas, il faut donc apprendre le respect des opinions divergentes. Il faut aussi apprendre la flexibilité. Gouverner, c'est aussi faire des compromis et ne pas toujours aller aussi loin que nous poussent nos convictions intimes.
Quelques jours à peine après l'annonce des résultats électoraux, il faut se rappeler que gouverner est un art et non une science. Des erreurs peuvent être commises et un gouvernement peut reculer. De tout temps, les populations ont adopté une position critique et souvent cyniques face au pouvoir. Car ce pouvoir attire invariablement des gens qui souhaitent l'utiliser pour eux-mêmes.
Cette réalité est inévitable. Nous aurons toujours des politiciens démagogues ou assoiffés par le pouvoir. Évidemment, certaines structures assurent une meilleure représentativité au gouvernement, ou permettent de garder celui-ci sous contrôle beaucoup plus efficacement que le système britannique dont nous avons hérité, ce qui permet de contrebalancer les pulsions individuelles. Les traditions ainsi que l'existence d'une fonction publique professionnelle et neutre offrent toutefois à ce système une inertie bénéfique.
Prétendre que la politique peut être menée scientifiquement et froidement relève de la supercherie. Il faut donc se méfier des solutions parfaites ou idéales à des problèmes d'organisation ou de gestion humaine. Cette affirmation n'empêche pas que la science ait un rôle important à jouer en politique. Cette dernière permet de clarifier certaines situations et d'orienter les débats sur des sujets parfois techniques. Elle ne peut rien décider, toutefois; ce privilège est le domaine exclusif de la politique.
En dépit du cynisme ambiant, on doit donc reconnaître l'importance de la politique. Le système actuel est boiteux et on doit travailler à la changer. Pour cela, il est nécessaire de se mouiller et d'entrer dans l'arène. On n'y échappera pas. Si cela peut parfois être frustrant pour un scientifique habitué aux argumentations factuelles devant se terminer par un consensus imposé par la réalité, cette situation est la seule qui peut préserver la démocratie.