Le manque criant de logement social fait la Une à chaque fois que revient le mois de juillet et la nécessité pour des milliers de familles de se loger à bas prix. Deux mois avant ce pic d'intérêt, des chercheurs s'étaient réunis au congrès de l'ACFAS pour échanger sur l'évolution de ce mode d'habitation.

Tout d'abord pour partager les connaissances. "Nous ne possédons pas une connaissance raffinée de la qualité de ce parc immobilier. De plus, le logement de 2006 n'est pas celui des années'70. La fonctionnalité a évolué vers un lieu de consommation, de divertissement, de travail", relève Denis Robitaille, directeur général du Regroupement des offices d’habitation du Québec.

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Et pour rappeler que le logement social, réclamé à corps et à cri par de nombreux groupes d'intérêt, s'avère une réalité bien hétérogène, dans le bâti, les clientèles et bientôt les besoins. Une réalité qui pourrait s'éclater encore plus, depuis que le gouvernement a annoncé son intention de réserver 2000 places aux personnes âgées en manque d'autonomie, pour combler un manque d'hébergement dans le réseau CHSLD. Une volonté politique qui faisait grincer bien des dents dans l'assemblée. "Il s'agit d'une réorientation sans débat public. Et si on s'insurge contre ça, on va nous accuser de ne pas vouloir intégrer les gens", s'exclamait Claude Majeau, représentante d'une association de locataires de HLM.

Si chacun rappelait combien les listes d'attentes témoignent d'un cruel manque de places, les commentaires sanctionnaient surtout l'incompréhension des politiciens. " La volonté politique est d'éviter l'engorgement mais la réalité est plus complexe ", rappelle Yves Vaillancourt politologue et professeur à École de travail social de l'UQAM. Les aînés forment l'essentiel des locataires des logements sociaux. Une clientèle vieillissante dont les besoins tendent vers toujours plus de prise en charge, de soutien, de soins... entraînant d'inévitables transformations du milieu de vie.

État des lieux

Lancé en 1969, le programme de financement, de réalisation et d'exploitation du logement public a bâti en 35 ans un parc québécois qui rassemble aujourd'hui 8 500 bâtiments. Ce qui reste modeste : seulement 5% du parc locatif total. Le parc affiche même un certain vieillissement. Essentiellement construits entre les années '70 et 1997, les 3/4 des immeubles ont plus de 20 ans. Un bilan de santé est d'ailleurs en cours.

Il est toutefois difficile de cerner avec précision le nombre de logements sociaux. Mr Robitaille avançait le chiffre de 61 114 logements pour l'ensemble du Québec, tandis que François Renaud de la Société d'habitation du Québec parle de 62 613 logements. Une grande partie (45%) serait des immeubles constitués de 20 logements et moins. Une situation qui diffère par là même des États-Unis. "Nous sommes bien loin des images des ghettos des grandes tours de logements", rassure Denis Robitaille. Bien que financés par trois paliers de gouvernement (ville, province et fédéral), ces HLM naissent le plus souvent de la volonté municipale. Leur gestion assez complexe rassemble administrateurs —"dont beaucoup de personnel à temps partiel"— locataires, bénévoles. Lors de son allocution, De la poignée de porte à la poignée de main, le directeur de la Régie des offices d’habitation du Québec avançait même : "la gestion des offices d'habitation n'est pas celle des immeubles mais plutôt celle d'un milieu de vie".

Les différentes clientèles qui cohabitent dans les logements sociaux résultent de l'histoire même du logement social du Québec. Au début, dans les années'70, ce mode d'habitation a émergé pour servir les familles. Puis dans les années '80, l'attention s'est portée sur les personnes âgées et plus récemment, sur les personnes seules, en 1991. Il en résulte que les aînés forment 55,8% de la clientèle (34 928), suivis par les familles avec 42,5% (26 613), puis les personnes seules (611) et les personnes âgées en perte d'autonomie (455).

"Il n'y a pas de profil fiable", relève pourtant Denis Robitaille, rapportant des données d'une étude de la région de l'Estrie. "Les familles sont souvent constituées de personnes seules avec enfants (69% de monoparentales) et les aînés, essentiellement des femmes (68%) ont une moyenne d'âge de 76 ans."

Derrière la porte

Reste qu’en dépit de leur mission hybride, à la fois sociale et économique, les HLM demeurent principalement axés sur l'accessibilité à l'habitation, tel le partage des coûts entre le locataire et le système public. Un abri pour les plus nécessiteux, ce que les spécialistes du milieu nomment "l'habitat refuge". Cet axe cohabite avec un autre, celui de "l'habitat tremplin" encourageant le développement social et communautaire, la participation des résidents à la gestion, les passerelles avec les autres réseaux publics : éducation, emploi, santé, etc.

Ce mode d'habitation "doit s'adapter aux changements, notamment démographiques (taille des ménages, répartition géographique, vieillissement de la clientèle) et au fait que la gestion se complexifie alors que le parc de logement vieillit", relève François Renaud de la SHQ.

Il s'avère important de penser aux locataires et pas seulement en terme de logements ou d'immeubles. "Les locataires en place doivent être aidés à bien vieillir. Il faut aussi que soit maintenu un développement de clientèle diversifiée pour maintenir une dynamique de voisinage, une vie de quartier", rappelait Martin E. Wexler de la ville de Montréal. La mission du logement social, c'est aussi cela.

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