Où en est-on avec la perspective de faire pousser des organes en laboratoire? Les percées de la dernière année autour des cellules-souches l’ont soudain rendu bien plus plausible qu’on ne le pensait, même si les scientifiques, cette fois, ne l’ont pas crié sur les toits.

En novembre dernier, cette nouvelle tombait sur les fils de presse : deux équipes de chercheurs sont parvenues à transformer des cellules de peau humaine en cellules-souches . La nouvelle avait été acclamée pour ses répercussions morales —peut-être n’aura-t-on plus besoin de cellules d’embryons, après tout— et pour l’exploit scientifique. Il avait fallu moins d’un an à l’équipe du Japonais Shinya Yamanaka, de l’Université de Kyoto, pour passer des cellules de souris aux cellules humaines.

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Lancé dans la chasse aux gènes qui permettraient de « reprogrammer » une cellule adulte pour en faire une cellule d’embryon, Yamanaka avait réduit la liste à seulement quatre gènes : en ajoutant des copies de ces quatre gènes au noyau d’une cellule adulte de souris, celle-ci « devenait » une cellule-souche. C’est-à-dire une cellule capable, en théorie, de devenir n’importe quel organe —en théorie, il faut le souligner. Les versions humaines de ces quatre mêmes gènes ont ensuite suffi pour accomplir la même chose.

Depuis, plusieurs groupes à travers le monde se sont lancés dans la création de semblables lignées de cellules-souches, avec d’autant plus d’empressement que ce qui se dégage des recherches de Yamanaka et d’un groupe concurrent, à l’Université du Wisconsin, c’est que c’est « très facile ». Au contraire du clonage :lui, il nécessite des talents particuliers en micro-manipulation pour transférer le noyau d’une cellule adulte (contenant l’ADN de l’individu que l’on veut cloner) dans l’ovule de la mère-porteuse.

« C’est relativement facile », confirme au New Scientist (abonnement requis) Konrad Hochedlinger, biologiste cellulaire à l’Hôpital général du Massachusetts (Boston). « Cela va changer la biologie et la médecine », ajoute dans le même article Doug Melton, de l’Université Harvard. « Nous pourrions être au bord d’une nouvelle ère de l’alchimie cellulaire », conclut le journaliste, impressionné.

Vous vous coupez un doigt, on prélève une de vos cellules de peau, on les transforme en cellules-souches, on leur ordonne de se transformer en doigt et après quelques semaines (ou quelques mois? C’est ici qu’on entre en terrain inconnu), vous avez un nouveau doigt. À l’image de ces salamandres dont les membres repoussent.

Mais attention. N’a-t-on pas entendu le même enthousiasme à propos d’autres soi-disant percées dans les cellules-souches, percées qui n’ont pas eu de suites? En effet. La recherche sur les cellules-souches a été particulièrement ébranlée par le scandale Hwang Woo Suk, ce Sud-Coréen qui affirmait être parvenu à cloner des cellules-souches suivant la méthode de clonage mentionnée ci-haut : non seulement avait-il falsifié ses résultats mais, à ce jour, personne n’est parvenu à réussir ce qu’il proclamait avoir réussi.

Et puis, il y a tout de même plus d’une décennie, à présent, que les cellules-souches font parler d’elles pour leurs propriétés thérapeutiques. La route a été jalonnée de faux espoirs et d’annonces prématurées : pourquoi cette fois-ci ferait-elle exception?

À sa défense, il faut dire que mis à part les groupes conservateurs qui se sont réjouis pour des raisons morales, les chercheurs n’ont pas tenté de monter leur percée en épingle. Ils insistent particulièrement sur le fait qu’il est trop tôt pour affirmer que ces cellules reprogrammées seraient aussi efficaces que les vraies cellules d’embryons. Mais les indices vont dans le bon sens : les biologistes n’ont pas encore identifié de différences entre les « reprogrammées » et les « originales ». Et leur efficacité commence à être évaluée : en avril par exemple, l’équipe de Rudolf Jaenisch, à l’Institut Whitehead de Cambridge (Massachusetts), a annoncé être parvenue à atténuer les symptômes du Parkinson chez des souris.

Reste que même si les indices continuent de s’accumuler, ça coûterait cher : des centaines de milliers de dollars, au mieux, pour se faire repousser un doigt « personnalisée ». Détail, détail...

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