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Des décisions aux conférences des Nations unies sur le climat pourraient-elles être adoptées par une « super-majorité » de 75% des pays? En lançant cette idée cette semaine, l’ex-vice-président des États-Unis Al Gore a attiré l’attention sur ce qui est depuis près de 30 ans un des principaux freins à ces négociations internationales: l’obligation d’avoir un consensus.

Tout texte clôturant une conférence des Nations unies sur le climat, comme la COP28 actuellement en cours, et à plus forte raison tout traité, comme l’Accord de Paris en 2015, doit être approuvé mot par mot par les délégations des 196 pays. Historiquement, c’est ce pouvoir que détient chaque pays qui explique d'une part des éléments fondamentaux d’un traité —comme le fait que l’Accord de Paris soit un document « non contraignant », c’est-à-dire qui n’est accompagné d’aucune obligation légale— et d'autre part le vocabulaire réduit à sa plus simple expression —comme le fait qu’il ait fallu attendre 2021 pour que l’expression « carburants fossiles » figure dans un texte final, ou comme le débat de cette année entre « sortie des carburants fossiles » et « réduction des carburants fossiles ». En fait, même le terme « réduction » a été pointé plus tôt cette semaine comme inacceptable par le ministre de l’Énergie de l’Arabie saoudite, de sorte qu’il est possible que le texte qui clôturera la COP28, le 12 décembre, ne se rende même pas jusqu’à ce « niveau » de langage. 

Résultat, les ententes représentent toujours le strict minimum que tout le monde est disposé à faire, et ne reflètent pas les véritables efforts qu’il faudrait accomplir. Cela donne un pouvoir énorme à une poignée d’États dont les revenus dépendent du pétrole, s’est plaint Al Gore dans un entretien organisé à la COP28 par l’agence de presse Bloomberg le 5 décembre: la communauté mondiale « doit quémander la permission aux pétro-États » pour « protéger le futur de l’humanité ». Et c’est dans ce contexte qu’il a lancé l’idée qu’on remplace la règle du consensus par une règle d’une super-majorité de 75%.

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Une telle proposition de changement des règles peut être demandée à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), l’organisme qui chapeaute les conférences annuelles sur le climat (COP), au moins six mois avant la prochaine de ces rencontres, prévue pour novembre 2024. 

Il n’est pas clair si l’unanimité serait nécessaire pour changer cette règle, parce qu’il n’existe justement pas de règle. En 1995, lors de la dernière rencontre préparatoire avant la première COP, il avait été impossible, en raison des pressions de l’Arabie saoudite et d’autres pays de l’OPEP, d’en arriver à une entente sur ce que seraient les règles des votes lors des rencontres annuelles. Avec pour résultat que le consensus était devenu « la règle de facto », écrivaient des experts finlandais 20 ans plus tard. « La pierre d’achoppement était et reste la Règle 42, qui contient plusieurs options pour un vote à la majorité », mais comme cette Règle 42 n’a jamais été adoptée, les COP se sont tenues sans elle depuis 1995, « en vertu de la compréhension générale que les décisions doivent être prises par consensus ». Une proposition de passer à un vote majoritaire plutôt que par consensus est mise sur la table depuis la COP17 de Durban, en 2011, mais elle reste dans les limbes, faute d'appuis suffisants pour entamer la discussion.

Ce qui est hautement problématique, poursuivaient ces experts sans nommer personne. Cela « donne un poids excessif aux parties qui ont tendance à l’obstruction —des parties qui préfèrent une absence de résultats à tout résultat ».

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