Le mois de janvier aura été
un mélange de bonnes et de mauvaises nouvelles pour
les créationnistes, ces gens qui persistent à
croire que la Terre a été créée
en six jours, il y a quelques milliers d'années.
La mauvaise nouvelle pour eux: le 13 janvier, un juge fédéral
du district d'Atlanta, capitale de la Georgie, ordonnait
à la commission scolaire du comté de Cobb
(banlieue d'Atlanta) de retirer les auto-collants remettant
en question l'évolution des espèces. Ces auto-collants
étaient systématiquement appliqués
sur les manuels scolaires de biologie depuis 2002.
La commission scolaire a annoncé qu'elle
ferait appel.
La bonne nouvelle pour les créationnistes:
le 18 janvier, les élèves du secondaire à
Dover, Pennsylvanie, se
faisaient expliquer en classe, pour la première fois,
la théorie du "design intelligent" une
façon maquillée de parler de créationnisme.
Ce recul était le résultat d'une décision
rendue en ce sens en novembre dernier (voir
ce texte), qui ajoutait le "design intelligent" au programme
des cours de biologie.
Ces petits événements, qui ne
devraient être que deux escarmouches mineures dans
une guerre qui se poursuit depuis des générations
aux Etats-Unis, a contribué à relancer le
débat sur de multiples tribunes, téléphoniques
et Internet: celles des fondamentalistes religieux pour
qui toute la biologie depuis 150 ans (soit depuis Darwin)
n'est qu'un tissu de mensonges, celles des biologistes qui
s'arrachent les cheveux face à l'ignorance crasse
de certains de leurs contemporains, et celle des observateurs
du milieu de l'éducation qui se demandent avec effroi
comment ils ont pu à ce point se fourvoyer pour que
plus du tiers des habitants du pays le plus riche du monde
puissent croire que la femme a été créée
à partir d'une côte de l'homme.
Le dit débat s'est, pour une fois,
rendu jusqu'aux pages du New York Times et du Washington
Post. Commentant l'auto-collant de Georgie qui affirme
que "l'évolution est une théorie, pas un fait",
le New York Times tente la carte de l'ironie: "si
l'évolution est juste une théorie,
alors le design intelligent devrait être qualifié
de même pas une théorie".
Le Washington Post prend pour sa part
la chose avec gravité: "la force et l'étendue
du mouvement anti-évolution, qui s'est répandu
à la grandeur du pays, presque sans être remarqué,
devrait obliger les politiciens américains à
réfléchir à deux fois à la manière
dont l'expression de leurs convictions religieuses commence
à affecter l'éducation et la science".
De fait, ils sont plus puissants avec chaque
année qui passe, poursuit
le journaliste du Times. Il y a 80 ans, lors
du procès Scopes tenu au Tennessee (alors qu'un enseignant
avait été poursuivi pour avoir osé
enseigner l'évolution dans sa classe), les créationnistes
avaient été déboutés lorsque
la Cour suprême leur avait rappelé que la religion
n'avait pas sa place dans les écoles publiques des
Etats-Unis (voir
ce texte). Depuis, ils essaient de réintroduire
la Création en 7 jours par deux subterfuges, qui
leur ont valu un certain succès, surtout au cours
de la dernière décennie (lire Le
chat et la souris créationnistes):
1) Prétendre qu'on veut simplement
présenter aux élèves une alternative
à la théorie de l'évolution; bref,
le créationnisme ne serait rien d'autre qu'un élément
du débat scientifique
2) Mettre de l'avant la théorie
du design intelligent, qui prétend démontrer
que l'univers ne peut être que le fruit d'un "designer
intelligent". Les promoteurs de cette théorie se
gardent évidemment bien de prononcer le mot "Dieu",
sans quoi cela deviendrait de la religion...
L'enseignante Eugenie Scott, du Centre national
pour l'enseignement des sciences à Oakland (Californie),
grande pourfendrice des créationnistes devant l'éternel,
s'est déclarée "encouragée" par le
jugement rendu en Georgie, espérant que cela découragerait
les promoteurs de l'auto-collant "une théorie, pas
un fait".
Elle peut toujours rêver. Déjà,
il y a des années que des professeurs de biologie
du Kansas, de l'Alabama, du Nebraska, du Texas, de Georgie
et d'autres encore, face au mur de briques que représentent
des parents bornés... préfèrent, pour
éviter toute controverse, escamoter toute mention
de Darwin ou de l'évolution dans leurs cours.
Pascal Lapointe
Ailleurs sur le site de Science-Presse
- En 1999, le Kansas retirait des examens
de fin d'année de tout le cursus scolaire (de la
1ere à la 12e année) toute
référence à l'évolution (incluant
le Big Bang). Lire Un
grand pas en arrière pour l'humanité.
- Et sa suite, Le
grand pas en arrière - Y a quelqu'un?
- L'année suivante, la décision
était renversée au comité de l'Etat
sur l'éducation. Lire Le
Kansas évolue.
- Sur une décision similaire d'une
commission scolaire de Georgie en 2002, voir Les
imbéciles sont parmi nous.
- Et une
décision similaire en Alabama
- Sur la décision de la commission
scolaire de Dover, Pennsylvanie, rendue en novembre dernier,
lire Le
retour chronique des créationnistes.
- Pour approfondir votre réflexion
sur l'enseignement, vous pouvez aussi lire Pourquoi
les créationnistes gagnent à tous les coups.