Semaine du 5 février 2001

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Le désir d'avoir son double


P
our la 3e fois en autant d'années, des gens bardés de diplômes en science viennent de faire part de leur intention de cloner un être humain. Au milieu de tout cela, un couple qui souhaite voir renaître son bébé décédé tragiquement à l'âge de 10 mois. Peut-on vraiment croire qu'un tel désir puisse s'éteindre?


Craignez-vous le clonage humain?
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La réponse, bien sûr, est non. Au-delà de toutes les interrogations morales, éthiques, voire religieuses, qu'a soulevé l'annonce, la semaine dernière, de ces médecins prêts à cloner qui en fera la demande, au-delà du fait que le "père" de la brebis Dolly lui-même ait qualifié "d'irresponsable" cette annonce, le fait est que rien ni personne ne pourra empêcher des parents de vouloir remplacer l'enfant qu'ils ont perdu. Et si le clonage humain s'avère un jour réalisable, il sera réalisé.

Il était une fois, raconte le New York Times dans un impressionnant dossier (en ligne gratuitement jusqu'au 11 février ; la lecture peut nécessiter une inscription gratuite), un couple de parents américains qui avait perdu un garçon de 10 mois, à la suite de complications post-opératoires. Ils ont deux autres enfants, et ne sont pas stériles. Ils sont tous deux dans la trentaine. Ils pourraient donc avoir un autre bébé. Mais ils ne veulent pas un autre bébé. Ils veulent ravoir celui qu'ils ont perdu.

Et après cette tragédie, survenue l'an dernier, quatre ans après Dolly, ils se sont mis à croire que ce rêve n'était plus impossible. En juin 2000, ils ont rejoint un groupe de gens qui y croient eux aussi. Une secte religieuse: les raëliens. Qui croient que l'humanité a été créée en laboratoire par les extra-terrestres. Et qu'en manipulant les gènes, transformant la nature et progressant sur la voie du clonage, les Terriens ne font qu'accomplir le dessein tracé par Eux.

Ce qui ne gâte rien, le couple a beaucoup d'argent. Et si ça ne marche pas avec eux, 50 jeunes femmes ont déjà fait part de leur accord pour servir de donneuses d'ovules ou de mère-porteuses.

Le décor est planté, les acteurs sont prêts. Ne reste plus qu'à danser.

 

Qui fera le premier pas ?

Dès 1997, il y avait eu ce Dr Richard Seed, un Américain qui avait eu ses 10 minutes de gloire en devenant le premier scientifique à faire publiquement part de son intention d'effectuer un clonage humain. Il s'était offert lui-même comme "matériau" de la première tentative, et affirmait son intention d'ouvrir une clinique de clonage aux Etats-Unis. Mais ce physicien qui n'avait jamais étudié de sa vie en médecine ou en biologie n'avait jamais été vraiment pris au sérieux par ses collègues (quoique les médias lui aient à l'époque accordé une importance démesurée).

Un peu plus sérieux, en dépit des apparences, était le projet des raëliens et de leur compagnie basée aux Bahamas, Clonaid. Sérieux, en partie parce qu'il y a derrière ce projet Brigitte Boisselier, une chimiste française qui dit avoir attiré autour d'elle trois spécialistes, dont un généticien -le Dr Seed, lui, un physicien, semble n'avoir jamais attiré personne.

Mais de loin plus sérieux par contre, est cette troisième annonce en trois ans, faite la semaine dernière par un consortium privé. Le groupe est cette fois formé de deux spécialistes de la reproduction, dont un gynécologue italien, le Dr Severino Antinori, qui a déjà fait part dans le passé de son appui au clonage, et dont le travail inclut des recherches pour aider les femmes post-ménopausées à redevenir enceinte. En compagnie de son collègue américain, Panayiotis Zavos, il affirme pouvoir cloner un premier humain d'ici 18 à 24 mois. Et il soutient qu'un pays "méditerranéen" qu'il refuse d'identifier, est déjà prêt à accueillir leur clinique.


Au bon endroit au bon moment ?

Le moment semble en tout cas on ne peut plus propice : il y a maintenant quatre ans et demi qu'a été clonée Dolly. Des boeufs et des souris ont été clonés. Des cellules d'embryons humains sont manipulées avec succès. Ce n'est qu'une question de temps, semble-t-il, avant qu'on apprenne que, quelque part dans le monde, est né le premier enfant humain cloné.

Mais il subsiste un obstacle, et de taille: le clonage est encore loin d'être au point. Le taux d'échec est effarant, et les chercheurs n'arrivent même pas à expliquer pourquoi. Il faut des centaines de tentatives pour voire naître un seul bébé. Parmi ceux qui naissent, on constate une proportion étrange de malformations ou de poids supérieurs à la moyenne. On ose à peine imaginer la souffrance, les traumatismes et les dommages psychologiques chez un groupe de futures mères, s'il fallait en passer par une course à obstacle aussi effroyable.

Bref, il faudrait vraiment avoir la foi pour accepter d'en passer par là... Or, la foi est justement l'ingrédient premier qui motive les raëlliens, fait remarquer Gregory Stock, de l'Ecole de médecine de l'Université de Californie à Los Angeles. "S'ils ne réussissent pas, quelqu'un d'autre le fera d'ici cinq ans."

Et le plus étonnant, c'est que nous serons pris par surprise, note le New York Times. Parce que depuis Dolly, le débat a progressivement glissé de la sombre perspective d'une armée de clones-zombies vers le clonage de tissus à des fins de greffes ou de transplantations. Le dégoût qui accompagnait à l'origine la seule mention du mot clonage a été remplacé par un mélange de curiosité et de fascination, devant les perspectives qu'ouvre "l'autre" clonage, le clonage thérapeutique, celui qui consiste non pas à doubler une personne, mais à seulement doubler quelques-unes de ses cellules. Même les bioéthiciens admettent maintenant que le clonage a ses bons côtés.

Des sites web comme celui de la compagnie australienne Southern Cross Genetics (qui offre, moyennant paiement, d'entreposer votre ADN en vue d'un futur clonage) ou celui de la Human Cloning Foundation (un groupe marginal qui se définit comme faisant du lobbying) reçoivent ou affichent des tonnes de courriers de la part de gens qui veulent en savoir plus sur le clonage, ou souhaitent faire cloner l'un de leurs proches ("est-ce qu'un cheveu suffira pour le cloner?", demande une mère éplorée).

Clonaid, la compagnie raëlienne, affirme avoir reçu des centaines de demandes de parents qui veulent profiter de ses " services " pour faire renaître un enfant décédé, ou pour obtenir un double d'eux-mêmes. La directrice scientifique Brigitte Boisselier, en entrevue au Times, ne voit là rien de mal. Cela lui semble au contraire un désir tout à fait normal, celui de "perpétuer nos gènes". Le fait qu'un clone ne sera pas à proprement parler un double, une copie conforme, mais plutôt un genre de frère jumeau ou de soeur jumelle qui aurait quelques années de moins, n'altère en rien sa conviction.

Il n'y a pas qu'elle, et c'est bien là le paradoxe: les gens semblent avoir compris étonnamment vite qu'un bébé qui naît par clonage a les mêmes gènes que "l'original", aura les mêmes traits, mais n'aura pas les mêmes pensées, les mêmes goûts, les mêmes habitudes, parce qu'il sera élevé dans un environnement différent, avec des parents qui auront vieilli, avec des instituteurs et des amis différents... Bref, ce sera une personne distincte. Et pourtant, ceux qui désirent un clone le veulent tout autant, même en sachant tout cela.

"Ils veulent le faire, résume la journaliste du Times, parce qu'ils veulent prévoir le plus de choses possible sur leur futur enfant." Prévoir à l'avance ce que sera son enfant... Bien au-delà de la science, même le plus prévoyant des parents pourra vous le dire, voilà la plus grande des illusions...

 

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