Trois facteurs, du plus ancien au plus récent:
1. Le Protocole de Kyoto, signé en
1997, dit qu'en 2012, les émissions de gaz à
effet de serre devront avoir diminué de 5% par rapport
à leur niveau de 1990. Or, à l'heure actuelle,
ces émissions ont augmenté de plus de 10%!
Rien qu'au Canada, les gaz à effet de serre ont augmenté
de 20% depuis 1990! Ces évaluations pessimistes ressortent
depuis trois ans de chacune de ces "Conférence des
parties" (COP) des Nations Unies dont le but est de faire
le point sur Kyoto (sur la COP 2003 d'Italie, voir Si
cette planète vous tient à cur).
Autant dire qu'un renversement radical de situation
d'ici 2012 est invraisemblable: dans la plupart des
pays, on n'atteindra pas cet objectif d'une réduction
de 5%. Et cet objectif est d'autant moins vraisemblable
que les États-Unis, le plus gros pollueur de
la planète, refusent toujours de signer Kyoto.
2. Non seulement les Etats-Unis refusent-ils de signer
Kyoto mais l'été dernier, ils
ont signé un "traité anti-Kyoto"
appelé Partenariat Asie-Pacifique sur le
développement propre et le climat: six
pays, incluant les trois plus gros consommateurs de
charbon de la planète (Etats-Unis, Australie,
Japon, et trois puissances énergivores en pleine
croissance (Inde, Chine et Corée du Sud). Ces
six pays ne s'engagent à aucune réduction
de gaz à effet de serre et ne proposent que
des "mesures volontaires".
Plusieurs observateurs prétendent que ce traité
n'est qu'une façon de mettre de la pression
sur les signataires de Kyoto afin qu'ils assouplissent
ce Protocole ou qu'ils préparent un Kyoto 2
plus souple, mettant l'accent, par exemple, sur des
"mesures volontaires". L'annulation
de la première rencontre de ces six anti-Kyoto,
qui devait avoir lieu en novembre en Australie, tend
à donner du poids à cette hypothèse
du bluff: à la Conférence des parties
de Montréal, ce traité "anti-Kyoto"
sera suspendu au-dessus de la tête des négociateurs,
tel une épée de Damocles.
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Un
autre facteur, indépendant des politiciens,
affaiblit également les calculs et les compromis
qui ont conduit au Protocole de Kyoto:
Les
arbres ne sont pas des "aspirateurs à carbone"
aussi efficaces qu'on l'avait calculé (étude
Suisse-France-Canada, en septembre dernier)
A
lire aussi:
Sur
l'entrée
en vigueur officielle du protocole de Kyoto, en
février 2005
Sur
le
traité "anti-Kyoto"
Sur
la COP de l'an dernier:
L'après
Kyoto? Faudrait régler Kyoto d'abord...
Deux semaines de travail pour en
arriver à presque rien.
|
Sauf que si l'intention de ces six pays est
bel et bien d'infléchir Kyoto ou d'obtenir un "Kyoto
2" qui correspondrait à leurs attentes, cela revient,
dans les faits, à annuler Kyoto tel qu'il avait été
conçu à l'origine.
3. L'avertissement de Tony Blair. Le 30 octobre,
le premier ministre britannique Tony Blair écrivait
dans le quotidien The Observer que le
Protocole de Kyoto ne peut pas fonctionner sous sa forme
actuelle.
Sans les Etats-Unis, mais aussi la Chine et
l'Inde, une entente planétaire sur la réduction
des gaz à effet de serre a de moins en moins de sens.
Toute future entente devra donc inclure les Etats-Unis,
a écrit le premier ministre.
***
Le fait d'admettre que Kyoto n'atteindra pas
ses objectifs ne rend pas obsolètes les efforts des
citoyens pour réduire leur propre consommation. Comme
le révèlent les prises de positions de dizaines
de maires américains (voir
ce texte), bien des détenteurs d'un pouvoir,
aussi réduit soit-il, sont désireux de faire
leur part pour sauver la planète. Mais en mettant
autant d'attention sur le Protocole de Kyoto, on risque
d'entraîner une désaffection de bien des militants.
Dernier coup dur: cette semaine, une nouvelle
étude (voir
ce texte) nous apprend que d'ici 2030, si la tendance
actuelle se maintient, l'augmentation des gaz à effet
de serre sera de... 52%!
Pascal Lapointe