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Le prix de l'immortalité
Ce n'est sans doute qu'un épisode de plus dans
la quête millénaire de la fontaine de Jouvence.
Mais cette fois, on a vraiment l'impression de la toucher du
doigt, cette fameuse fontaine. Par contre, il y aura probablement
un prix à payer...
Manipuler tel et tel gène
associé à l'horloge biologique; injecter telle
et telle protéine; ajouter telle et telle substance à
l'alimentation; réparer les télomères. Depuis
cinq ans, les nombreux chercheurs qui, à travers le monde,
tentent de percer les secrets du vieillissement,
explorent plusieurs pistes prometteuses. Mais à leur connaissance,
ce serait la première fois qu'il serait proposé
quelque chose qui serait sans effets secondaires -du moins, en
apparence.
Et plus important encore, c'est la première fois qu'on
arrive à un succès chez un mammifère: une
souris, chez laquelle on
a rien de moins que retardé le vieillissement.
Et pas qu'un peu: elle
vivrait 30% plus longtemps que ses congénères,
selon les biologistes italiens qui ont accompli cet exploit.
Exploit qui, a priori, apparaît scandaleusement simple:
il a suffi de retirer un gène à cette souris.
Evidemment, ça n'est pas aussi simple. Tout d'abord,
il fallait l'identifier, ce gène. Il se trouve dans une
région appelée SHC, et il sert à encoder
une protéine appelée p66shc. En temps normal, ces
souris grandissent et se nourrissent normalement. Mais qu'on
enlève le p66shc, et leurs cellules se trouvent soudain
plus résistantes face aux causes de ce qu'on appelle l'oxydation:
c'est le processus tout à fait naturel qui fait progressivement
"rouiller" les cellules et est la cause première
du vieillissement, et ultimement, de la mort. Autrement dit,
retirez le p66shc, et les cellules
rouillent moins vite, donc vieillissent moins vite.
Et pour l'identifier, ce gène, il a fallu faire un
long détour. Les bases génétiques du vieillissement
avaient déjà été identifiées
chez la mouche drosophile et chez le ver C. elegans -dont on
a également décodé l'ensemble du bagage
génétique l'an dernier.
Dans ce dernier cas, les chercheurs avaient d'abord identifié
certaines "régions" du génome comme étant
associés aux "rythmes biologiques", dont le
vieillissement. Ils avaient ensuite constaté le rôle
joué par d'autres gènes, impliqués, eux,
dans l'alimentation du ver -confirmant ainsi les théories
qui associent alimentation et vieillissement. Enfin, l'équipe
du Dr Pier Giuseppe Pelicci, de l'Institut d'oncologie expérimentale
de Milan, a franchi un pas de plus, mais dans une direction différente
-ce qui confirme qu'il doit y avoir plusieurs facteurs associés,
derrière le vieillissement- en éliminant ce facteur
"rouille" ou, en langage plus précis, en atténuant
le "stress oxydatif" dans une lignée de souris
-appelée officieusement, allez savoir pourquoi, la souris
Mathusalem.
Sauf que ce qu'on peut retenir d'une analyse parue dans Nature,
c'est qu'il y aurait manifestement un prix à payer.
Les biologistes présument depuis longtemps que certains
gènes, dont ceux impliqués dans l'oxydation, ne
fonctionnent de façon "positive" que lorsque
l'animal est en train de grandir, de se développer et
de se reproduire. Ils se mettent à agir de façon
"négative" -donc, à "rouiller"-
lorsque l'animal a dépassé un certain âge.
Si cette théorie est vraie, alors le fait d'enlever ces
gènes aurait pour conséquence de retarder le vieillissement,
mais il pourrait aussi avoir un impact sur la fertilité:
les autres expériences sur le vieillissement des souris
(par exemple, la privation de nourriture) qui avaient démontré
une extension de l'espérance de vie avaient en tous cas
démontré une diminution de la fertilité.
Motif d'inquiétude: ce point noir risque fort d'être
"oublié", au cours des prochains mois, au profit
d'une pierre blanche: non seulement est-ce la première
fois qu'on parvient à étirer "génétiquement"
l'espérance de vie d'un mammifère, mais surtout,
il se trouve que ce
gène est également présent chez les humains.
C'est donc surtout ça qu'on risque de retenir. Déjà,
plutôt que de parler de la diminution possible de la fertilité,
plusieurs reportages, comme celui de la BBC, ont préféré
insister sur le gain de poids: par rapport aux expériences
qui consistaient à priver les souris d'aliments en effet,
celle-ci ne les a pas fait souffrir, côté bouffe.
Bref, les avantages sur l'estomac l'emportent sur les désavantages
côté survie de l'espèce. On a les priorités
qu'on veut bien avoir...
Reste à démontrer que cette lignée de
souris n'avait pas quelque chose de particulier, et que le succès
pourrait être répété chez d'autres
rongeurs. Et resterait à répondre à une
question plus lancinante encore: si ce p66shc est si dommageable,
si les souris qui ne l'ont pas vivent plus longtemps sans effets
secondaires, que diable fait-il là? Comment se fait-il
qu'à travers les millions d'années d'évolution,
les souris sans p66shc ne l'aient pas encore emporté?
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