Semaine du 22 novembre 1999

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Le prix de l'immortalité


C
e n'est sans doute qu'un épisode de plus dans la quête millénaire de la fontaine de Jouvence. Mais cette fois, on a vraiment l'impression de la toucher du doigt, cette fameuse fontaine. Par contre, il y aura probablement un prix à payer...

 

Manipuler tel et tel gène associé à l'horloge biologique; injecter telle et telle protéine; ajouter telle et telle substance à l'alimentation; réparer les télomères. Depuis cinq ans, les nombreux chercheurs qui, à travers le monde, tentent de percer les secrets du vieillissement, explorent plusieurs pistes prometteuses. Mais à leur connaissance, ce serait la première fois qu'il serait proposé quelque chose qui serait sans effets secondaires -du moins, en apparence.

Et plus important encore, c'est la première fois qu'on arrive à un succès chez un mammifère: une souris, chez laquelle on a rien de moins que retardé le vieillissement.

Et pas qu'un peu: elle vivrait 30% plus longtemps que ses congénères, selon les biologistes italiens qui ont accompli cet exploit. Exploit qui, a priori, apparaît scandaleusement simple: il a suffi de retirer un gène à cette souris.

Evidemment, ça n'est pas aussi simple. Tout d'abord, il fallait l'identifier, ce gène. Il se trouve dans une région appelée SHC, et il sert à encoder une protéine appelée p66shc. En temps normal, ces souris grandissent et se nourrissent normalement. Mais qu'on enlève le p66shc, et leurs cellules se trouvent soudain plus résistantes face aux causes de ce qu'on appelle l'oxydation: c'est le processus tout à fait naturel qui fait progressivement "rouiller" les cellules et est la cause première du vieillissement, et ultimement, de la mort. Autrement dit, retirez le p66shc, et les cellules rouillent moins vite, donc vieillissent moins vite.

Et pour l'identifier, ce gène, il a fallu faire un long détour. Les bases génétiques du vieillissement avaient déjà été identifiées chez la mouche drosophile et chez le ver C. elegans -dont on a également décodé l'ensemble du bagage génétique l'an dernier. Dans ce dernier cas, les chercheurs avaient d'abord identifié certaines "régions" du génome comme étant associés aux "rythmes biologiques", dont le vieillissement. Ils avaient ensuite constaté le rôle joué par d'autres gènes, impliqués, eux, dans l'alimentation du ver -confirmant ainsi les théories qui associent alimentation et vieillissement. Enfin, l'équipe du Dr Pier Giuseppe Pelicci, de l'Institut d'oncologie expérimentale de Milan, a franchi un pas de plus, mais dans une direction différente -ce qui confirme qu'il doit y avoir plusieurs facteurs associés, derrière le vieillissement- en éliminant ce facteur "rouille" ou, en langage plus précis, en atténuant le "stress oxydatif" dans une lignée de souris -appelée officieusement, allez savoir pourquoi, la souris Mathusalem.

Sauf que ce qu'on peut retenir d'une analyse parue dans Nature, c'est qu'il y aurait manifestement un prix à payer.

Les biologistes présument depuis longtemps que certains gènes, dont ceux impliqués dans l'oxydation, ne fonctionnent de façon "positive" que lorsque l'animal est en train de grandir, de se développer et de se reproduire. Ils se mettent à agir de façon "négative" -donc, à "rouiller"- lorsque l'animal a dépassé un certain âge. Si cette théorie est vraie, alors le fait d'enlever ces gènes aurait pour conséquence de retarder le vieillissement, mais il pourrait aussi avoir un impact sur la fertilité: les autres expériences sur le vieillissement des souris (par exemple, la privation de nourriture) qui avaient démontré une extension de l'espérance de vie avaient en tous cas démontré une diminution de la fertilité.

Motif d'inquiétude: ce point noir risque fort d'être "oublié", au cours des prochains mois, au profit d'une pierre blanche: non seulement est-ce la première fois qu'on parvient à étirer "génétiquement" l'espérance de vie d'un mammifère, mais surtout, il se trouve que ce gène est également présent chez les humains. C'est donc surtout ça qu'on risque de retenir. Déjà, plutôt que de parler de la diminution possible de la fertilité, plusieurs reportages, comme celui de la BBC, ont préféré insister sur le gain de poids: par rapport aux expériences qui consistaient à priver les souris d'aliments en effet, celle-ci ne les a pas fait souffrir, côté bouffe. Bref, les avantages sur l'estomac l'emportent sur les désavantages côté survie de l'espèce. On a les priorités qu'on veut bien avoir...

Reste à démontrer que cette lignée de souris n'avait pas quelque chose de particulier, et que le succès pourrait être répété chez d'autres rongeurs. Et resterait à répondre à une question plus lancinante encore: si ce p66shc est si dommageable, si les souris qui ne l'ont pas vivent plus longtemps sans effets secondaires, que diable fait-il là? Comment se fait-il qu'à travers les millions d'années d'évolution, les souris sans p66shc ne l'aient pas encore emporté?

 

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